Ainsi que l’a rappelé en introduction le Pr Bernard Nordlinger (Académie nationale de médecine), « les premières applications de l’intelligence artificielle (IA) dans la santé ont concerné l’analyse des images, notamment en radiologie, anatomo-pathologie et dermatologie, où celle-ci est devenue aujourd’hui incontournable, puis, progressivement, toutes les spécialités médicales ont été impactées. Aujourd’hui, l’IA transforme toutes les dimensions du cycle de vie du médicament ».
Modélisation des maladies et identification des cibles
Selon Philippe Moingeon (académie nationale de pharmacie), les grandes catégories d’applications de l’IA, qui permet l’analyse et l’exploitation d’un volume considérable de données, au développement de nouveaux médicaments, sont représentées par la modélisation des maladies (caractérisation multi-omique de cohortes de milliers de patients, identification de biomarqueurs de stratification, établissement de taxonomies moléculaires des maladies), ouvrant sur une meilleure compréhension de l’hétérogénéité des patients (catégorisation des patients en sous-groupes homogènes, analyse des voies moléculaires dérégulées) ; l’identification de cibles thérapeutiques pertinentes, voire totalement nouvelles (notamment de gènes, protéines et voies de signalisation moléculaires impliqués dans la physiopathologie) ; l’identification/optimisation de candidats médicaments et la prédiction des multiples propriétés de potentielles molécules médicamenteuses en exploitant des banques de molécules chimiques (fixation à la cible, absorption, distribution, métabolisme, toxicité, solubilité, stabilité), et in fine par l’évaluation in silico de l’efficacité et de l’innocuité des potentiels nouveaux médicaments.
80 à 90 %,
tel est le taux de réussite en phase I lors de la mise au point des médicaments assistée par l’IA
Au total, en plus d’accélérer la mise au point de nouveaux médicaments, avec des taux de réussite en phase I très supérieurs à la moyenne (80-90 % vs 40-60 %, l’IA apparaît comme un moyen efficace d’élargir les applications de la médecine de précision/personnalisée à travers tous les champs thérapeutiques en aidant, par exemple, à la conception de médicaments adaptés à des sous-populations de patients.
« Une accélération de la phase découverte est déjà perceptible », s’est enthousiasmé Philippe Moingeon, avec une diminution de 2 ans en moyenne (5 ans au lieu de 7) du délai d’entrée en clinique des candidats-médicaments, tandis que plus d’une centaine de candidats médicaments conçus avec l’IA sont actuellement en évaluation clinique.
Un futur riche en perspectives
Philippe Moingeon a également souligné la possibilité à terme d’utiliser l’IA pour tester des médicaments virtuels chez des patients tout aussi virtuels avant de passer aux études confirmatoires classiques.
Plus d’une centaine de candidats médicaments conçus avec l’IA sont actuellement en évaluation clinique
Enfin, selon ce dernier, quatre grandes catégories d’applications peuvent être d’ores et déjà envisagées, à savoir les traitements de maladies génétiques rares touchant très peu de patients – par l’identification de cibles et la conception d’oligonucléotiques et de thérapies géniques (avec prédiction in silico de l’efficacité vs placebo), l’identification des meilleures combinaisons pour améliorer pour le traitement des maladies chroniques (par exemple déterminer en oncologie les associations chimiothérapies/immunothérapies), le développement de médicaments préventifs en s’appuyant sur la capacité de l’IA à prédire des risques de santé bien avant qu’ils ne se manifestent sous forme de symptômes et enfin la mise au point de véritables médicaments anti-vieillissement susceptibles par exemple de cibler et d’éliminer les cellules sénescentes avant que ne s’installe un état d’inflammation chronique en évitant d’avoir à suivre des centaines de milliers de personnes pendant des dizaines d’années.
Les apports de l’IA en recherche clinique
« Dans ce domaine aussi, les applications de l’IA sont en train de prendre leur envol », a souligné le Pr Jean-Yves Blay (Directeur du Centre Léon Bérard, Lyon et président d’Unicancer*).
En pratique, les outils d’IA, en corrélant au mieux les caractéristiques de chaque patient (cliniques, anatomopathologiques, moléculaires, génomiques…) aux critères d’inclusion, permettent de réduire le nombre d’essais inutiles de phases I et II et peuvent aider les centres investigateurs à recruter les « bons patients » pour les essais de phase III avec un meilleur accès aux essais nationaux et aussi internationaux où la compétition est intense.
Un autre objectif prioritaire est aussi d’augmenter le pourcentage des patients pouvant entrer dans les essais cliniques (actuellement 6 à 8 %) et ainsi de pouvoir en faire profiter davantage de patients, notamment en cancérologie, en réduisant également le risque de sortie précoce.
*Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer.
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