En France, l’utilisation prolongée de l’acétate de nomégestrol et de chlormadinone a été associée à un risque accru de méningiome intracrânien, une tumeur souvent bénigne, mais potentiellement grave. Face à cette alerte, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’assurance-maladie ont réagi dès 2019 en mettant en œuvre plusieurs mesures d’encadrement : envois de courriers (individualisés ou non), attestation annuelle d’information cosignée par la patiente et le prescripteur, surveillance par IRM cérébrale en cas de traitement prolongé, et arrêt du traitement en cas de diagnostic de méningiome.
Pour évaluer l’impact de ces mesures, le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare (ANSM/CNAM) a analysé les données du Système National des Données de Santé (SNDS) entre 2010 et 2023. Les résultats sont éloquents : entre 2019 et 2023, l’utilisation mensuelle des progestatifs concernés a chuté de 97 %, passant de plus de 260 000 utilisatrices à moins de 9 000. Les nouvelles prescriptions ont également été divisées par près de 18, passant d’environ 18 000 à 1 000 par mois.
La surveillance s’est, elle aussi, intensifiée : la part des femmes réalisant une IRM après un an de traitement est passée de 5 % en 2019 à 22 % en 2023. Pour rappel, l’ANSM recommande une IRM cérébrale après un an de traitement si celui-ci doit être poursuivi.
Dix fois moins de cas opérés
L’étude révèle également une baisse impressionnante du nombre de méningiomes opérés attribuables à ces progestatifs : 152 cas en 2018 contre seulement 15 en 2023, soit une diminution d’un facteur dix.
Cependant, un phénomène de report vers d’autres progestatifs est observé, notamment vers le désogestrel et, dans une moindre mesure, le médrogestone (Colprone), devenus des alternatives pour respectivement 16 % et 4 % des femmes concernées. Or ces molécules présentent elles aussi un risque de méningiome.
Pour le désogestrel, ce risque est jugé très faible. Une étude Epi-Phare publiée en décembre 2024 rapporte une légère augmentation du risque de méningiome avec le désogestrel seul (Antigone, Optimizette, Cerazette, Elfasette, Désogestrel 75 µg), en particulier chez les femmes de plus de 45 ans ou en cas d’utilisation prolongée au-delà de 5 ans. Toutefois, ce risque étant limité, les modalités de délivrance du désogestrel n’ont pas été modifiées, contrairement à celles de l’acétate de chlormadinone, de nomégestrol, de cyprotérone, de médrogestone ou encore de médroxyprogestérone.
Avant de prescrire du désogestrel ou son dérivé Nexplanon (étonogestrel), les professionnels de santé doivent néanmoins vérifier les antécédents de méningiome ou d’exposition à des progestatifs à risque. Étant donné la fréquence des reports vers le désogestrel, les auteurs de l’étude soulignent l’intérêt de mieux comprendre les indications pour lesquelles ce traitement a été choisi, notamment chez les femmes plus âgées.
En revanche, le médrogestone (Colprone) présente un risque significativement accru de méningiome, comparable à celui observé avec l’acétate de nomégestrol ou l’acétate de médroxyprogestérone (Depo-Provera). Il fait donc l’objet d’une surveillance renforcée. Depuis un an, sa délivrance est conditionnée à la cosignature d’une attestation annuelle d’information par la patiente et le prescripteur dès que le traitement dépasse une durée d’un an.
Un précédent avec l’acétate de cyprotérone
Le groupement Epi-Phare avait déjà démontré, en 2021, l’impact très positif des mesures mises en place pour l’acétate de cyprotérone (Androcur et génériques), utilisé à fortes doses (≥ 25 mg). Entre 2018 et fin 2021, son usage a chuté de 88 % chez les femmes, 69 % chez les hommes et 50 % chez les femmes transgenres. Sur les 55 000 personnes traitées en août 2018, seules 7 900 l’étaient encore en décembre 2021. Le nombre de méningiomes opérés associés à cette molécule a également connu une baisse spectaculaire (-93 %), avec 7 femmes opérées en 2021 contre 95 en 2017.
Étude Epi-phare
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