Selon les derniers chiffres de Santé publique France (SPF), les prescriptions en ville et la consommation d’antibiotiques ont augmenté d’environ 5 % en 2024 par rapport à l’année précédente. Une hausse qualifiée de « significative » par l’agence de santé publique, alors que prescriptions et consommation d’antibiotiques sont globalement en baisse depuis dix ans.
La lutte contre l’antibiorésistance et le bon usage des médicaments sont aujourd’hui deux enjeux prioritaires pour les autorités sanitaires. Présentés à l’occasion de la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens, les derniers chiffres concernant les prescriptions en ville et la consommation d’antibiotiques montrent que celles-ci sont en hausse en 2024. Ainsi, on observe « une augmentation de 4,8 % des prescriptions, en ville et hors secteur d’hospitalisation, par rapport à 2023, avec plus de 860 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants réalisées au cours de l’année », précise Santé publique France. De plus, la consommation d’antibiotiques, exprimée en Doses définies journalières (DDJ), atteint 22,1 DDJ/1 000 habitants/jour, soit une augmentation de 5,4 % par rapport à 2023, « retrouvant des niveaux comparables à ceux d’avant la pandémie de Covid-19 », commente SPF. En 2024, ce sont ainsi 27,2 millions de patients qui ont eu au moins une prescription d'antibiotiques au cours de l'année, soit 40 % de la population totale.
Ces nouvelles données soulignent l’importance de renforcer les efforts des prescripteurs ainsi que la sensibilisation des patients quant à l’utilisation prudente et à bon escient des antibiotiques
Santé publique France
Épiphénomène ou renversement de tendance ?
Ces données contrastent donc avec celles des dernières années. Une baisse globale de la consommation d’antibiotiques a en effet été notée jusqu’en 2019, avant une période de « fluctuations importantes liées à la crise sanitaire de la Covid-19 entre 2020 et 2023 », résume le rapport. Consommation (-0,2 % en DDJ), et prescriptions (-0,5 %) sont globalement en baisse sur la dernière décennie. Les chiffres de 2024 sont par conséquent particulièrement remarquables. On a donc observé l’an dernier « un rebond significatif », que Santé publique France tente aujourd’hui d’expliquer : « Cette hausse pourrait être liée à un retour aux habitudes de prescription observées avant la pandémie de Covid-19, avec la reprise des consultations et la circulation accrue des infections saisonnières », avance notamment SPF. L’année 2024 a aussi été marquée par des épisodes épidémiques significatifs, en particulier de grippe, bronchiolite et de coqueluche, lesquels « ont influencé les dynamiques de prescription soit en termes de quantité ou de molécules utilisées », admet SPF, qui s’interroge sur les tendances à attendre dans les prochaines années. « Soit cette augmentation en 2024 marque un renversement de tendance par rapport à la baisse régulière de la consommation et de la prescription d’antibiotiques observée depuis 2014, soit il s'agit d'une hausse ponctuelle, conjoncturelle, qui sera suivie d'une reprise de la diminution dans les années à venir », détaille l’agence.
Dès aujourd’hui, « ces nouvelles données soulignent l’importance de renforcer les efforts des prescripteurs ainsi que la sensibilisation des patients quant à l’utilisation prudente et à bon escient des antibiotiques », juge globalement Santé publique France. « Avec plus de 860 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants par an, nous sommes encore loin de l’objectif cible de 650 prescriptions pour 1 000 habitants par an d’ici 2027, fixé par la Stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance, alerte le Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France. D’ailleurs, en 2024, la France occupe le deuxième rang des pays consommant le plus d'antibiotiques en Europe », précise-t-elle au passage.
Des disparités régionales étonnantes
Sur l’évolution de la prescription des antibiotiques, des différences sensibles sont par ailleurs relevées selon les classes d’âge. Entre 2023 et 2024, la consommation exprimée en DDJ a « diminué chez les enfants de moins de 15 ans, tandis qu’elle a augmenté dans toutes les autres classes d’âge, avec une hausse particulièrement marquée chez les personnes âgées de 80 ans et plus (+ 7,2 %). Concernant les prescriptions, elles sont restées relativement stables entre 2023 et 2024 chez les enfants de moins de 5 ans (+ 0,8 %), ont augmenté chez les 15-64 ans, et ont continué à progresser dans les autres classes d’âge », peut-on lire. Sur la dernière décennie, on note une forte réduction de consommation chez les enfants de moins de 14 ans (-17,8 % en DDJ), même si le nombre de prescriptions dans cette catégorie d’âge a, par exemple, fortement augmenté au troisième trimestre 2024, en lien avec une activité épidémique soutenue concernant les infections hivernales, et ce, « alors même que ces dernières sont majoritairement virales et ne doivent pas justifier dans cette situation une prescription d’antibiotiques », tient à rappeler l’agence.
Les femmes consomment davantage en termes de prescriptions, mais les hommes âgés de 65 ans et plus présentent une consommation en DDJ plus élevée, ce qui peut s’expliquer « par des durées de prescriptions plus longues, notamment pour les infections urinaires masculines, comme les prostatites », analyse le rapport. Par ailleurs, quelques disparités régionales sont remarquées. La Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur sont ainsi les deux régions les plus consommatrices d’antibiotiques dans l’Hexagone (entre 25 et 26 DDJ/1 000 habitants/jour) contre un peu plus de 18 DDJ/1 000 habitants/jour dans les Pays de la Loire, région où les chiffres sont les plus bas. Les dynamiques de consommation sont également très disparates selon les régions, avec une baisse de près de 10 % en DDJ dans une région comme l’Île-de-France, alors que, sur ces dix mêmes dernières années, on constatait une hausse de plus de 17 % en Corse !
Des évolutions notables selon les classes thérapeutiques
Le document de Santé publique France s’intéresse aussi à l’évolution des prescriptions et consommation d’antibiotiques sur les dix dernières années, selon les classes thérapeutiques. Toutes ne sont pas logées à la même enseigne. Une baisse particulièrement marquée est soulignée pour les quinolones dont les prescriptions ont diminué de 59 % et la consommation de 48,2 % entre 2014 et 2024. Une diminution importante des prescriptions de bêtalactamines (autres que pénicillines) et d’associations d’antibactériens est également relevée sur la même période. À l’inverse, une hausse de la consommation est enregistrée pour les sulfonamides et triméthoprime (+ 36,8 %), les macrolides (en particulier l’azithromycine), les autres antibactériens ainsi que les pénicillines. Ces dernières représentent d’ailleurs à elles seules la moitié des prescriptions d’antibiotiques en 2024 et leur utilisation continue donc de croître, en particulier celles à large spectre, comme l’amoxicilline.
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