- Je ne suis pas sûr d'avoir suffisamment creusé son programme pour avoir un avis, déclare Benoît en pleine discussion politique avec Bertrand.
Tout en avalant une bouchée de poulet, ce dernier lui répond, animé par une envie de débattre :
- C'est juste qu'il n'y a rien de rien ! Et dans le domaine de la santé, je ne t'en parle même pas. J'ai tout analysé, tout décrypté. Macron, par exemple, a proposé que les pharmaciens soient référents. C'est déjà un pas vers nous…
- Mais on ne peut pas juger un programme politique en l'observant de notre unique point de vue, intervient Marion que l'échange intéresse finalement.
En fait, elle a très envie de clouer le bec à Bertrand, dont les propos présomptueux l'irritent au plus haut point. Ses confrères la regardent, surpris :
- Ah d'accord. Tu votes Le Pen donc…
- Non, ce n'est pas ce que je dis. Je t'explique juste que je ne soutiens pas un candidat juste parce qu'il s'adresse à moi ou à ma profession. C'est très flatteur, je reconnais. Mais c'est aussi très réducteur. Si le corporatisme professionnel l'emporte dans l'élection présidentielle, ce sont donc les professions les plus représentées qui décident de l'issue du scrutin…, explique Marion que la politique a toujours passionnée.
- Je suis complètement d'accord avec toi, Marion. D'autant plus que dans une élection telle que celle-ci, je vote en tant que citoyen avant de voter en tant que pharmacienne, poursuit Sandrine, la formatrice.
- Ah oui, on peut le voir comme ça…, lâche Bertrand, un peu vexé.
- C'est toujours dangereux de parler politique en famille ou entre amis, glisse Claire, la participante la plus réservée du groupe.
Les discussions se poursuivent entre les neuf participants de la formation, tandis que Sandrine se lève pour commander les cafés. Tout le monde a fait connaissance et s'appelle maintenant par son prénom. Autour de la table ronde, quand on ne parle pas de politique, on parle de pharmacie et de son expérience à l'officine. Quand Sandrine revient à sa place, elle regarde Marion et lui dit sympathiquement :
- Tu as une sensibilité particulière, Marion. Dans tes questions, dans tes commentaires. Je ne veux pas savoir pourquoi, même si je pense avoir compris. En revanche, as-tu déjà pensé à être formatrice ?
Marion avale un morceau de sa tarte au citron, s'essuie la bouche et sourit :
- J'en ai déjà fait l'expérience un peu, quand j'étais en industrie. C'était sympa. Mais maintenant, en tant qu'adjointe, c'est juste impossible.
- Et pourquoi ?
- Moi, je suivrai toutes les formations que tu proposes, dit Benoît en s'immisçant dans la conversation des deux femmes sans y avoir été invité.
- Ne l'écoute pas. Il dit dix bêtises à la minute, rétorque Sandrine, affectueuse.
- Vous vous connaissez ?
- Nous étions dans la même promo. Ça crée des liens.
- Mais elle n'a jamais voulu de moi, se plaint le pharmacien décidément très badin.
- Laisse-nous tranquille Benoît. Retourne à la politique. Marion, on pourra en reparler. J'admets que c'est un peu intéressé. Je suis toujours en recherche de pharmacien formateur, mais ce n'est pas si facile à trouver, explique la formatrice.
(À suivre…)