Sensation de trop-plein gastrique, douleurs ou brûlures au niveau de l’estomac, ballonnements, éructations, sont quelques-uns des symptômes généralement évoqués par les personnes qui souffrent de dyspepsie. Les nausées et l’acidité gastrique pourront compléter la liste de ces manifestations que l’on désigne habituellement par le terme indifférencié de « mauvaise digestion ».
Pour Pierre Lafitte, directeur marketing/innovation du Laboratoire Les Trois Chênes, la dyspepsie regroupe l’ensemble des troubles localisés sur l’épigastre, le haut de l’estomac. « Il s’agit d’un des segments du marché de la digestion qui abrite essentiellement des médicaments OTC et des produits de nutrithérapie à base d’ingrédients naturels. » Particulièrement dynamique, la part des compléments alimentaires à vocation gastrique, selon Pierre Lafitte, aurait progressé de 33 % en valeur depuis deux ans, – de 6 % en 2022 - pour atteindre 43 millions d’euros.
Deux facteurs peuvent expliquer cette évolution : un réflexe « d’automédication » qui oriente la population vers la nutrithérapie plutôt que la consultation ; la multiplication des formules sur ce segment, à l’exemple d’Hepacyte (NHCO Nutrition), Activ’Foie/New Nordic (Vitalco), Glutaform (Synergia) ou encore de Symbiosys Alflorex+ (Biocodex), composition à base de souche microbiotique vouée au confort digestif. L’autorisation récente, par la DGCCRF, d’utiliser le terme « probiotiques » pour qualifier un complément alimentaire contenant des souches vivantes, pourrait, par ailleurs, accentuer la tendance. « On trouve aujourd’hui peu de formules à base de probiotiques parmi les compléments alimentaires de la sphère gastrique », signale Karine Tournier, responsable marketing chez Nutergia. C’est pourtant le cas d’Ergyphilus GST centré sur le microbiote de l’estomac, conseillé en accompagnement de la prise d’IPP, alors qu’Ergygast, gel buvable présenté en sticks, se consacre à la fois aux systèmes gastrique et nerveux qu’il entend apaiser grâce à une combinaison d’orme rouge, camomille et romarin.
Top 3 des extraits végétaux
Les plantes, de fait, présentent un intérêt bien connu pour répondre aux problématiques digestives. « Le charbon végétal qui absorbe les gaz est la première référence utilisée en phytothérapie », indique Jocelyn Petit, responsable marketing chez Arkopharma (Arkogélules). Un segment qui pèserait 9 millions d’euros (Arkogélules Charbon végétal Bio, Charbon de Belloc – avec AMM - chez Urgo…) devant le desmodium, un protecteur hépatique et l’aloe vera aux propriétés antireflux dont les ventes atteindraient respectivement 3 millions et 2 millions d’euros. « Il faut aussi citer le trio de plantes cholagogues et cholérétiques, Chardon Marie, artichaut, radis noir, mais aussi le gingembre pour son effet antinauséeux. » D’autres plantes seront à l’œuvre dans des infusions comme Tisane Provençale n° 5, Nutrisanté Bio Digestion, ou Médiflor n° 5 Inconfort digestif… Pileje mise également sur les extraits végétaux dans la composition de Digebiane RFX, un complément alimentaire à base d’extraits de mélisse et de réglisse, de deux sels minéraux (carbonate de calcium et bicarbonate de sodium), de pectine et vitamine B2, conseillé en cas d’inconforts liés à l’acidité et aux digestions difficiles.
Autre levier du marché, la demande liée aux problématiques gastriques se serait également accrue ces derniers temps. « On constate une recrudescence des problèmes métaboliques sous l’effet de la sédentarité, d’une alimentation trop riche en graisses, mais aussi en alcool qui pèse sur le foie, l’estomac, ou encore du stress au quotidien – suite à la crise sanitaire ? - qui aggrave les symptômes, poursuit Pierre Lafitte. Cette situation s’est directement traduite par une augmentation des consultations chez le gastro-entérologue. » Deux formules principales permettent de répondre à ces problèmes chez Les Trois Chênes : Liberdigest est une synergie de plantes – gentiane, fenouil, gingembre, anis étoilé, papaïne – renforcée par des prébiotiques qui permet d’agir contre les douleurs abdominales, nausées, lourdeurs digestives, ballonnements ; la référence historique Schoum, pour sa part, cible la digestion difficile grâce à une combinaison de bugrane, fumeterre, bardane et chicorée aux effets cholagogue et cholérétique. La nouveauté revient cependant à Acifluxide, une association qui entend protéger la muqueuse de l’estomac, agir sur le pH, lutter contre la prolifération d’helicobacter pylori et produire un effet radeau. « Le RGO, reflux gastro-œsophagien, est le plus important des troubles dyspeptiques », conclut Pierre Lafitte.
Les trois quarts du marché
Si le segment des anti-acides (bicarbonate de sodium, alginate de sodium…) fait aussi partie du marché, les spécialités dédiées au système hépatique et biliaire (arginine, citrate de bétaïne, sorbitol) constituent l’axe central des solutions proposées en cas de dyspepsie. Des formules avec AMM (Citrate de Bétaïne chez UPSA, Arginine Veyron chez Pierre Fabre, Digedryl chez P&G…) qui occuperaient la plus large part - 73 % en valeur - du marché de la dyspepsie – selon Marine Julien, chef de produit digestion chez Cooper, qui annonce une progression de 7 % des ventes pour ces médicaments OTC. Au sein de l’offre, les formules aux propriétés cholagogue (stimulant la libération de la bile stockée dans la vésicule) et cholérétique (augmentant la sécrétion biliaire du foie et facilitant la digestion) présentent un intérêt certain, à l’exemple d’Oxyboldine, médicament sous forme de comprimé effervescent indiqué dans le traitement d’appoint des digestions difficiles (ballonnement, lourdeur, sensation d’inconfort…). « Les troubles digestifs apparaissent quand le foie et la vésicule biliaire sont débordés, décrit Marine Julien. La bile, qui a pour fonction d’émulsifier les graisses pour faciliter leur absorption au niveau de l’intestin, n’est plus libérée en quantité suffisante. La vésicule biliaire cherche alors à fabriquer davantage de sels pour faciliter l’assimilation des aliments, ce qui peut provoquer des douleurs localisées au côté droit. De plus, l’extrémité inférieure de l’estomac a tendance à se fermer sous l’action de la trop grande quantité de sucs gastriques, ce qui retient les aliments plus longtemps. » La progression du bol alimentaire est ralentie, la digestion devient alors lente et douloureuse. Pour faciliter le processus, Marine Julien souligne l’intérêt des cholérétiques cholagogues qui agissent comme stimulants de la vidange biliaire.
D’autres solutions au statut de dispositifs médicaux proposent de prendre en charge les symptômes de la dyspepsie. C’est le cas de Neobianacid (Aboca), qui revendique un large spectre d’actions – lourdeurs, acidité, brûlures, RGO, maux d’estomac… - en plus d’une composition 100 % naturelle. « Son statut de dispositif médical, son mécanisme d’action innovant et son efficacité contribuent à le distinguer sur un marché particulièrement concurrentiel qui reste dominé par des molécules bien connues, les alginates et l’acide hyaluronique », déclare le laboratoire.