Le Quotidien du pharmacien. - Selon certains témoins, la pression exercée dans certaines pharmacies est étroitement liée à un chantage qui peut prendre différentes formes : chantage aux congés, aux horaires, à la carrière professionnelle. Est-ce une forme de harcèlement ?
Me Marylaure Meolans. - Oui, cette pression est une forme de harcèlement. Au niveau pénal, le fait de menacer un employé de porter atteinte à sa carrière professionnelle s’il ne se soumet pas aux règles imposées par l’employeur est également qualifié de délit d’extorsion. Dans cette situation, on considère que l’employeur extorque à son employé un consentement relatif aux conditions de travail.
Dans les témoignages de harcèlement moral recueillis, on se demande pourquoi l’employé n’a pas réagi, pourquoi il a laissé faire… Il y a comme un déni de la situation. Comment explique-t-on cela ?
Le harcèlement est défini par des agissements de déstabilisation qui se produisent de façon si répétée qu’ils entraînent une dégradation de l’état de santé. Ces comportements peuvent provenir d’une personne, employeur ou collègue. On parle également de harcèlement institutionnel lorsque le système de collaboration développé au sein de l’entreprise est violent. Cette forme de harcèlement a été décrite dans l’affaire France Télécom au début des années 2000. Pour un salarié naïf de ces agissements, il est très difficile de les qualifier. Pour pleins de raisons très diverses, financières ou familiales, il a tendance à minimiser ces faits, à dédramatiser la situation, voire à la normaliser. Sur le même mécanisme que celui décrit dans le syndrome de Stockholm, l’employé se met pilotage automatique pour survivre.
Les pharmaciens qui ont témoigné se sentent bien souvent abandonnés, par la médecine du travail et l’Ordre des pharmaciens notamment. Est-ce que l’arsenal législatif et le dispositif judiciaire sont suffisants pour défendre les employés victimes de harcèlement moral ?
L’engorgement des tribunaux ralentit le dispositif judiciaire, ce qui peut effectivement porter atteinte à l’intérêt des salariés. Cependant, il existe des dispositifs d’urgence tels que le référé. Cette voie judiciaire permet de saisir rapidement les conseillers prud’homaux et d’aboutir à des mesures provisoires afin de protéger un salarié de certains agissements dont il fait l’objet dans le cadre de son activité professionnelle. Dans tous les cas, les employés peuvent se rapprocher d’un avocat en droit du travail, qui les aidera à piloter la stratégie de défense face à une telle situation. Dans les pharmacies de 11 salariés ou plus, une des premières démarches à envisager est d’alerter le CSE (comité social et économique). Si les agissements sont le fait d’un autre salarié, il est important d’informer l’employeur. Ce dernier a une obligation de sécurité envers son personnel. Enfin, le fait de saisir la médecine du travail est indispensable. Même si cela n’aboutit pas à une action immédiate, cette démarche permet de laisser une trace objective et médicale du mal-être qui peut être utile a posteriori.
* Associée au sein de Victoire avocats, auteure des podcasts Droit devant.