Ce président-là serait grossier qui a prononcé publiquement un mot utilisé tous les jours par tous les Français. Ce président-là, qui se bat tous les jours contre les antivax, ne mériterait donc pas d'occuper la magistrature suprême. Que celui qui n'a jamais dit merde lui jette la première pierre. Ce qui menace la cohésion de la société, ce n'est pas seulement le virus, c'est le ridicule, n'en déplaise aux censeurs professionnels. Jusqu'à présent, la vaccination n'est pas obligatoire en France, comme en Italie et en Autriche. Il demeure que 5 millions de non-vaccinés empoisonnent la vie de tous les autres.
Le propos présidentiel n'aura choqué que les tenants d'une pudibonderie affichée mais hypocrite. Il faut une drôle de logique pour s'offusquer d'un mot et freiner les débats sur le passe sanitaire alors qu'on s'est déclaré favorable à la création de ce passe. Il faut beaucoup d'invention pour en faire un thème géopolitique et affirmer que le chef de l'État est en train de creuser sa tombe, alors qu'il dépasse de huit à neuf points la première des autres candidats. La vérité est que les partis d'opposition constatent que leurs coups de boutoir ne produisent aucun résultat, n'affaiblissent pas leur président et que, pour le moment, Valérie Pécresse, censée assurer la victoire de LR, est largement distancée par le président sortant.
Deux précédents
Dans ces conditions, pourquoi ne pas relever avec une indignation au moins aussi feinte que tonitruante un mot qu'un président ne devrait pas prononcer, bien que deux de ses prédécesseurs, Chirac et Pompidou, n'aient pas hésité à y recourir ? Comme Macron a fait l'objet d'une liste illimitée de procès, un peu comme dans une dictature où l'on s'acharne contre les dissidents, on a trouvé, dans l'univers de la bienséance, un chef d'accusation d'autant plus facile à exploiter qu'il est monté de toutes pièces.
Vous aurez tous mesuré la distance qui sépare le « crime » commis par le président et la gravité de la non-vaccination, fléau qui menace les vaccinés, les soignants et les hôpitaux. Le vaccin n'est pas obligatoire et les non-vaccinés se servent du libéralisme du pouvoir pour le mettre devant le fait accompli. Et il n'aurait pas le droit de dire merde ? Dans les critiques qui nous sont offertes, la pire, c'est le droit de ne pas adopter le vaccin et l'interdiction qui serait faite au président (par quel règlement, par quelle loi ?) de prononcer un mot que le conservatisme réprouve.
S'il y a déclin du pays, ce n'est pas à cause d'une grossièreté qui aurait gagné toutes les instances du pouvoir, mais le prétexte brandi par les antivax comme un oriflamme pour contaminer le maximum de citoyens possible. L'idée, fallacieuse, consiste à dire que ce président, décidément, serait incompatible avec les fonctions qu'il occupe. Mais le seul constat à faire, n'est-ce pas celui d'une bigoterie militante qui va se nicher dans des envolées lyriques, mais stupides, pour clouer au pilori un chef d'État, attaqué de toutes parts mais défendu par son camp et son Premier ministre ? Après tant d'insincérité, tant de double jeu, tant d'hypocrisie, le Premier ministre, venu à l'Assemblée, n'a-t-il pas été tenté de réexpliquer la notion d'emmerde ?