La multiplication des pharmacies XXL se poursuit. Avec des modèles qui intègrent désormais les nouvelles missions des pharmaciens et les besoins des patients dans les déserts médicaux : des cabines pour les vaccinations, les entretiens cliniques ou pour la téléconsultation, cohabitent avec des stratégies commerciales d’enseigne. Deux exemples de développement récent : au sein du groupement coopératif Elsie qui atteindra 120 à 130 “hubs santé” en 2025, et au sein d’Aprium qui vise à faire basculer une centaine d’officines dans la catégorie “ultra marchand” avec des cabines santé.
À PharmagoraPlus 2025, la pharmacie XXL du Belvédère à Dieppe, du groupement Elsie, a reçu le trophée de la meilleure Animation santé et prévention. « Cela prouve bien que l’on peut proposer un accompagnement santé dans une officine de 450 m2 de vente au sein d’un centre commercial », se félicite Anne-Laure Morise, responsable RH et communication et épouse du titulaire Frédéric Morise. L’officine a multiplié sa surface par 3,7 en 2022. Elle a gagné en surface commerciale mais aussi s’est enrichie de quatre cabines fermées et équipées d’un point d’eau, et de toilettes. Une cabine dédiée aux vaccinations, dépistages et TROD, une aux entretiens patients, notamment en oncologie, une à la dermatologie avec un outil de diagnostic de peau et une à l’orthopédie.
L’équipe de 5 adjoints et 15 préparateurs s’est formée pour monter en compétence et se spécialiser. « En oncologie, par exemple, 3 collaborateurs se sont spécialisés sur les prothèses et en dermatologie », précise Anne-Laure Morise. L’équipe anime régulièrement des ateliers patients gratuits de 10 à 12 personnes, autour d’une grande table, et invite des partenaires locaux comme la Ligue contre le cancer ou l’équipe du don d’organe à l’hôpital. « Mon mari et moi avons toujours voulu mettre la santé au cœur de l’officine, et cela nous permet de garder nos collaborateurs très attachés à leurs missions de santé. »
En 2018, le Belvédère était la 19e pharmacie à rejoindre le modèle XXL du groupement coopératif Elsie. Aujourd’hui, 230 pharmacies y sont affiliées, avec un chiffre d’affaires moyen par officine de 8,5 millions d’euros et une surface moyenne de 500 m2. Parmi elles, une centaine a déjà développé cette facette de « centres de santé » et « on vise les 120 à 130 d’ici la fin 2025 », explique Laurie Turbelier, directrice du réseau France Elsie Santé. « 51,3 % des officines sont dans des centres commerciaux, et 26,5 % sont en centre ville, comme c’est le cas à Dieppe ». Pour Elsie, ce modèle répond aux nouvelles missions de santé publique des pharmaciens et aux besoins dans les déserts médicaux, notamment grâce à la téléconsultation, tout en étant compétitif sur le plan commercial.
« Les patients consommateurs recherchent l’accessibilité prix, mais aussi du choix dans les références, et nous en avons plus de 30 000 en parapharmacie et 26 400 promotions par an, explique Laurie Turbelier. Ils ont aussi besoin de profondeur de stocks, on le voit dans les périodes de tension sur les médicaments. Une personne âgée, vous ne la faites pas revenir trois fois parce que son traitement est en rupture de stock, Or nous sommes aussi des pharmacies de proximité. Avec des places de parkings, des caisses rapides et des fauteuils pour se reposer. »
« Nous avions peur de perdre une partie de la patientèle en se transformant, témoigne Anne-Laure Morise, mais nous avons toujours une partie importante d’ordonnances. Les patients découvrent petit à petit tous les services et cela nous rapporte en fidélisation et satisfaction du patient. En revanche, en termes d’honoraires, les entretiens ne sont pas rentables pour nous, et les ateliers animés sont gratuits. » La patientèle est différente le samedi : « Ce sont davantage des consommateurs qui aiment se promener dans les rayons et prendre leur temps. » Selon Elsie, 1 100 clients par jour passent par une officine en moyenne, pour 70 millions de passages en caisse.
Même évolution du côté d’Aprium, qui a inauguré le 19 mars, un nouveau modèle de pharmacie « ultra marchand » à Wasquehal. La pharmacie Lievens, qui se situe en centre commercial, est équipée de cabines de santé pour accueillir les patients. « Elle a une surface de vente de 700 m2 et était identifiée comme une parapharmacie, mais les pharmaciens ont souhaité revenir vers leurs missions de santé et être identifiés aussi pour leurs nouvelles missions », explique Laure de Santi, directrice marketing d’Aprium.
Ils ont donc rejoint ce nouveau cluster, dont le chiffre d'affaires s’élève à plus de 6,5 millions d’euros (contre 3,5 millions en moyenne) créé au sein d’Aprium, avec l’ambition d’être reconnu comme « un expert santé et un expert du commerce ». 36 pharmacies ont rejoint cette catégorie « ultra marchand », mais une centaine a été identifiée par Aprium parmi les 500 du groupement.
L’identité visuelle qui permet non seulement de circuler, mais d’identifier les différents services proposés a été particulièrement travaillée, autour de la croix verte d’Aprium restylisée et de bannières jaunes pour les promos. Le parcours client intègre par ailleurs de nouvelles fonctionnalités telles que le click and collect et le recyclage. « Nous n’avons pas voulu faire un supermarché de la pharmacie, ce n’est pas notre créneau, explique Laure de Santi. On veut faire savoir que l’on est bien dans une pharmacie, mais qu’il y a aussi de bonnes affaires à faire, on joue donc sur ces deux tableaux. On assume d’être une pharmacie ultra-marchande, mais une pharmacie avant tout. »
Ce modèle « ultra marchand » convient à des pharmaciens qui cherchent à augmenter leurs chiffres d'affaires et développer leur marge commerciale. Pour rejoindre ce cluster, ils doivent cocher un certain nombre de critères : la surface peut aller de 100 à 650 m2, mais le chiffre d’affaires doit être de 2 millions sur la parapharmacie, il doit disposer de 12 têtes de gondole et 12 bacs soldeurs minimum, ainsi que de 800 mètres de linéaire. Et avoir un positionnement prix très attractif sur le top 300 des best sellers. « Ce cluster a aussi pour but de montrer que chez Aprium, nous savons aussi gérer des pharmacies XXL », ajoute Laure de Santi.