« Il faut développer les services à l’officine comme les bilans sanguins ou la télémédecine pour réduire les délais des listes d’attente devenus interminables. » Pour le Dr Marcello Gemmato, pharmacien hospitalier et sous-secrétaire d’État à la Santé, les officines peuvent devenir l’outil qui va permettre de désengorger les listes d’attente.
Le fait est que, de l’autre côté des Alpes, mieux vaut être désormais en parfaite santé. Les conclusions des enquêtes menées par l’Institut des statistiques italien (Istat) et l’association à but non lucratif Cittadinanzattiva, qui rédige chaque année un constat de la situation dans la santé, sont en effet sans appel : sans une remise en ordre rapide du système, les assurés ne pourront bientôt plus bénéficier de l’accès aux soins. À titre d’exemple, les patients doivent attendre en moyenne entre trois mois et un an et demi pour une première visite chez un spécialiste de ville, un cardiologue ou un endocrinologue. Le système est très hétérogène à l’échelle nationale, certaines régions selon l’Istat étant particulièrement mal loties, avec des délais beaucoup plus longs, comme le Latium, la région de Rome ou encore les Marches, dans le centre du pays. Cette situation serait le fait de la pénurie de médecins qui afflige l’Italie et les coupes budgétaires ponctuellement appliquées par les gouvernements, quelles que soient leurs tendances politiques. À ces facteurs s’ajoute le regroupement des prises de rendez-vous via les centres téléphoniques régionaux souvent embouteillés et des problèmes structurels liés à l'organisation des soins qui varie selon les régions et les hôpitaux.
Pour enrayer la crise, des listes d’attente perdurant depuis des années, le ministère de la Santé a tenté de mettre en place plusieurs solutions, comme la possibilité pour les assurés d’effectuer un acte médical auprès d’une structure privée conventionnée en payant seulement le ticket modérateur. Mais la communication faisant largement défaut, peu d’Italiens savent qu’ils peuvent se retourner vers le privé conventionné. Dans ce contexte désolant, affirme l’Istat, quelque 4 millions d’Italiens ont préféré jeter l’éponge l’an dernier. Tandis que le ministre de la Santé, le Pr Orazio Schillaci, envisage de lancer une campagne de recrutement pour combattre la pénurie de médecins, son sous-secrétaire propose quant à lui d’envoyer les pharmacies au front comme durant la pandémie. L’idée n’est pas neuve, l’opération qui a créé les « super pharmacies » en Italie il y a 12 ans, prévoyant effectivement le développement des services à l’officine.
Un rôle stratégique
Cette sorte de plan B, qui ne coûterait pas un centime d’investissement au gouvernement, permettrait selon le Dr Marcello Gemmato de commencer à redresser la barre. « Durant la pandémie, les 19 000 officines déployées sur l’ensemble du territoire, ont joué un rôle stratégique, notamment dans les zones rurales où les structures sanitaires font largement défaut ; elles doivent maintenant devenir l’anneau de conjonction entre les hôpitaux, les nouvelles structures inscrites dans le plan national de relance et de résilience (PNRR), le territoire et les assurés », argumente ce pharmacien hospitalier. Quelques régions se sont déjà mises au diapason avant même que ce plan soit approuvé. C’est le cas en Ligurie (nord), où depuis le 3 juillet dernier les assurés peuvent effectuer des examens cardiologiques prit en charge par l’assurance-maladie dans les 269 officines implantées dans cette région grâce à la création d’un fond régional qui permet aussi de développer la télé-cardiologie. Une première au niveau national. Un programme identique actuellement à l’étude des autorités régionales du triangle industriel Frioul-Vénétie-Julienne, toujours dans le nord du pays, devrait être mis en place d’ici à janvier 2024. Du côté des pharmaciens, l’idée de renforcer leurs compétences plaît. Mais certains soulèvent le problème de la remise en ordre des structures souvent trop étroites et les coûts liés à ces transformations.