À flux tendus, pharmaciens et grossistes répartiteurs le sont depuis le début de l’épidémie. L’épisode de l’approvisionnement en masques du printemps dernier n’a été que le prélude d’une quête permanente en nouveaux produits qui s’est prolongée tout au long de l’année. Tests sérologiques, équipements de protection et désormais tests antigéniques ont constitué pour la chaîne pharmaceutique autant de défis logistiques. Et les grossistes sont prêts à relever le prochain : la livraison massive des pharmacies qui permettra aux officinaux de répondre à la demande de dépistage de la population à l’approche des fêtes.
« Fort de ses prouesses réalisées en coordination, le binôme pharmaciens-répartiteurs est dans les starting-blocks », affirme Hubert Olivier, président d’OCP. « Depuis le 10 décembre, nous notons une montée des commandes en tests antigéniques dans nos différents établissements. Ces derniers jours, les volumes ont été multipliés par cinq par rapport au début décembre », constate Laurent Bendavid, P-DG d’Alliance Healthcare France* assurant que son entreprise avait anticipé l’accroissement de la demande « en toute logique, en prévision des événements familiaux ».
Réguler et absorber les chocs
Une certitude domine, cette année encore moins que les précédentes, il n’y aura pas de trêve des confiseurs pour les grossistes-répartiteurs. Car la répartition a aussi en ligne de mire une autre échéance : la campagne de vaccination contre le Covid qui se profile à l’horizon du printemps 2021. Face à l’ampleur des tâches qui attend la profession, les derniers mois n’auront été finalement qu’une répétition générale. Depuis mars, le premier rôle de la répartition a été d’absorber les chocs. « Car même si tous les circuits ne passent pas toujours par les grossistes, nous sommes un élément complémentaire pour le réassort, nous jouons notre rôle de régulation dans les circonstances exceptionnelles, quand les comportements deviennent irrationnels », résume Jean Fabre, P-DG de Phoenix Pharma. Flux poussés et flux tirés se sont imposés comme des curseurs d’ajustement entre l'officine et leurs grossistes. « Nous avons veillé à une approche sanitaire de bon sens afin de garantir un accès en temps réel et équitable pour éviter tout déséquilibre sur le territoire », poursuit Jean Fabre, qui se félicite d’un « autre regard » désormais posé sur la répartition.
« Cette crise a mis en relief cette place que nous voulions. Et notre rôle aujourd’hui demande encore plus de réactivité qu’auparavant », répond en écho Laurent Bendavid, citant en exemple les 700 millions de masques distribués par les grossistes-répartiteurs. Ces acteurs ont agi également dans leur cœur de métier quand il a fallu mettre à disposition des officines des produits nouveaux tels les tests antigéniques. « Nous avons dû constituer rapidement une offre, avec un sourcing fiable, en veillant à une qualité irréprochable », se souvient Hubert Olivier.
Mais surtout, projetés sur les devants de la scène dans la distribution des masques des stocks de l’État, puis des vaccins antigrippe quand les doses vinrent à manquer dans les officines, les grosssistes-répartiteurs ont endossé un rôle inédit, celui de dépositaire de l’État. « Nous avons assuré les livraisons des vaccins de l’État aux EHPAD avec ou sans PUI, un segment pour lequel nous n'avions pas été sollicités jusque-là », déclare Hubert Olivier. Il relève que les répartiteurs ont su se montrer flexibles et réactifs face à ces volumétries importantes, tout comme dans la livraison des médicaments de la réserve hospitalière en officine.
En effet, comme le rappelle Laurent Bendavid, « la profession n’est pas seulement là pour déplacer des caisses mais pour faire fonctionner une filière intégrée de 182 établissements. Elle est capable, en coopération avec un réseau de 21 000 pharmacies, de couvrir les besoins de la population française en moins de 24 heures ».
Et ce n’est pas fini. Car l’urgence pourrait devenir chronique. Après les tests antigéniques, un nouveau front va s’ouvrir en mars/avril 2021 avec la phase 3 de la campagne vaccinale contre le Covid. Les grossistes-répartiteurs, comme les pharmaciens, sont bien décidés à être inclus dans ce nouvel acte de lutte contre l’épidémie. « Les officines et les grossistes-répartiteurs doivent être inscrits dans ce dispositif : les pharmaciens sont les mieux à même de fournir un travail de pédagogie auprès de la population face à l’enjeu de confiance que représentera cette vaccination », argumente Hubert Olivier. De plus, outre la maîtrise de la chaîne du froid, les répartiteurs sont les mieux placés pour gérer sur un temps long une distribution qui devrait atteindre, en volume, trois à six fois la dimension d’une campagne de vaccination antigrippale, ajoute-t-il en substance.
Des dépositaires dans la phase 1
Envisager une telle campagne sans s’appuyer sur le réseau officinal pourrait être grave de conséquences. « Il s'agit d'éviter de reproduire les erreurs de la campagne vaccinale contre la grippe H1N1 », exhorte Laurent Bendavid. Les grossistes-répartiteurs ne seront vraisemblablement pas sollicités pour les premières phases de la campagne (EHPAD et hôpitaux), en raison de la nature des produits (conservation à -80 °C) et du délai incompressible de livraison dans les établissements. « Ils détiennent en revanche toutes les capacités de stockage et de logistique spécifique pour être au rendez-vous dès la phase 3 et garantir un approvisionnement en ville sur une longue durée », soutient Jean Fabre.
Pour ce qui est de la première phase, la stratégie s’oriente vers un recours aux dépositaires pharmaceutiques qui assureront le relais entre les industriels et les EHPAD dès le mois de janvier. Cinq premiers contrats publics ont d’ores et déjà été conclus, dont un avec Alloga, filiale du groupe Alliance Healthcare France, qui a remporté la distribution sur la partie sud du pays à partir de supercongélateurs livrés par Santé publique France. Une expérience dont bénéficiera par extension l’entité répartition du groupe à l’heure de la phase 3. Quant à OCP, il a été retenu comme acteur de la phase 1 à… Monaco. Un galop d’essai sur le Rocher qui permettra au grossiste-répartiteur d’acquérir ce nouveau savoir-faire et d’arriver, au printemps, avec une longueur d’avance dans l’approvisionnement du vaccin en ville.
* Également président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP).