Au cours du mandat d'Emmanuel Macron, la République en marche a perdu une trentaine de députés, ce qui affaiblit considérablement la position du président sortant. Il s'agit donc pour lui de reconstituer une majorité, avec de nouveaux éléments qui ne sont pas difficiles à trouver. La plupart d'entre eux se situent à LR, où ils ont des rapports houleux avec la direction du parti, à la fois au sujet de la procédure qui doit bientôt conduire à l'investiture d'un candidat officiel et au sujet des choix idéologiques qu'il défendra.
LR traverse une crise sérieuse. Elle a été provoquée par la capacité du Rassemblement national d'obtenir des suffrages de droite, par les crises sociales nées des réformes et par la pandémie. En gros, deux lignes politiques se dégagent du conflit entre anciens et modernes : ceux qui tentent par tous les moyens de reprendre des suffrages au RN, même en durcissant leur programme, et ceux qui souhaitent proposer des idées plus généreuses, par exemple en matière d'immigration et d'inégalités.
Le conflit date de quatre ans, quand, entre les deux tours de 2017, LR a refusé de donner une consigne de vote à ses électeurs et il se poursuit maintenant par les déclarations d'Éric Ciotti, qui, dit-il, n'hésitera pas à voter Zemmour au second tour. C'est une sorte de panique déclenchée par la bourrasque qui vient, et risque d'emporter le parti. Les réflexes dictés par la peur ne sont pas forcément les bons. Mais qui peut le plus peut le moins : les caciques du parti semblent prêts, pour la plupart, à adopter Marine Le Pen si elle franchit le cap du second tour. Tout sauf Macron, en quelque sorte.
Un cercle vertueux
Le président de LR, Christian Jacob, le président du Sénat, Gérard Larcher et d'autres sénateurs ne semblent pas se rendre compte que, en rejetant l'alternative démocratique, ils sapent les fondements de leur parti. C'est parce qu'ils continuent à croire, contre toute attente, que M. Macron leur a chipé la présidence de la République en 2017. Ce qui n'est pas vrai : s'ils ont perdu alors, c'est parce que leur homme-lige, François Fillon, était engoncé, de manière irréparable, dans une sordide affaire d'enrichissement personnel. La victoire de Macron, à l'époque, était due à la faiblesse historique de la droite et de la gauche. Aujourd'hui, elle n'est possible que s'il parvient à réduire la force de l'extrême droite.
À n'en pas douter, Éric Zemmour lui a rendu un très grand service en coupant l'extrême droite en deux parties à peu près égales. Mais il semble qu'il s'agisse d'un feu de paille, les enquêtes d'opinion indiquant que Marine Le Pen a recouvré la première place et donc la capacité d'affronter Macron au second tour. Peu importe : dans tous les cas de figure, selon les sondages, c'est le président qui gagne. Cependant, il gagne avec une marge faible et bien que le mouvement naturel de l'électorat est de lui donner une majorité, il n'est absolument pas certain de récupérer les déçus du macronisme, loin de là. Il lui faut donc des forces neuves qu'il trouvera au centre. C'est pour lui d'autant plus important que, après la présidentielle, il y aura les législatives et qu'il lui faut gouverner avec une majorité de rechange.
Dans le dispositif qu'ils mettent en place, Édouard Philippe et François Bayrou s'efforcent d'attirer vers leur mouvement tous ceux qui estiment que l'extrême droite au pouvoir détruirait le pays et, avec lui, toutes les valeurs auxquelles croient les Français de bonne volonté. C'est en somme un cercle vertueux qu'ils veulent créer, infiniment plus inspiré par le gaullisme que ceux qui s'en prétendent encore les dépositaires. Leur chance réside dans la qualité de leur analyse politique. La France ne saurait se donner un gouvernement voué aux mesures arbitraires. Elle doit éterniser l'État de droit. Elle doit croire en ses capacités à résister aux vents mauvais. Elle doit fournir une signification profonde au mot fraternité.