À 15 %, voire 17 % du chiffre d’affaires, entre 80 000 et 120 000 euros supplémentaires ont été engrangés par les titulaires entre 2020 et 2022. De mémoire d’experts-comptables jamais EBE n’avait connu de tels sommets. Cette performance est quasi exclusivement liée à l’activité Covid, analysent-ils de concert. Mais cette embellie sur la trésorerie ne sera que de courte durée, s'empressent d'ajouter des experts-comptables, circonspects.
L'effet cliquet de l'inflation
Car pour 2023, l’EBE devrait revenir à 13 ou 14 %, soit le niveau de l’année 2020, voire celui de l’année 2019. En 2022, et plus encore en 2023, l’EBE est soumis à une inflation à trois niveaux. Dans le segment des produits non remboursés, les laboratoires ont augmenté leurs prix sans que les pharmaciens puissent nécessairement répercuter cette hausse. « Pour des raisons tant concurrentielles que prix psychologies », note Joël Lecoeur, expert-comptable, président du réseau CGP. Conséquence, la marge sur ces produits s’érode.
Deuxième effet de l’inflation, les charges externes ont augmenté entre 9 % et 12 % selon les réseaux. Il s’agit des frais liés aux loyers, à l’énergie, ou encore aux investissements dans le leasing de matériels. Enfin dernière poussée de l’inflation, la hausse des frais de personnels qui atteint entre 11 et 19 % entre 2021 et 2022. « Certes, une part revient aux CDD embauchés pour les tests, mais le recours aux étudiants est plutôt le fait des grosses pharmacies. Les pharmacies de proximité ont fait avec les moyens du bord, expose Joël Lecoeur. Il faut savoir, poursuit l’expert-comptable, qu’en matière d’inflation nous avons un effet cliquet. »
Gérer les flux de masse
Par conséquent, poursuit-il, on ne pourra pas revenir en arrière, notamment sur les évolutions de salaire qui sont pérennes. « Il faudra bien avoir cette notion en tête pour 2023. » Sans compter les difficultés de recrutement qui majoreront ce phénomène. « On pourra avoir tendance à surpayer un salarié à l’embauche, mais dans ce cas, il faudra faire évoluer le personnel présent, au risque sinon de le perdre. Cet effet multiplicateur sur la masse salariale est indéniable et il va continuer à peser en 2023 », prédit l’expert-comptable.
Au-delà de son aspect purement financier, la gestion des ressources humaines constitue un véritable challenge pour les titulaires. À l'heure où l'évolution des missions officinales réclame de plus en plus de bras et de compétence, s'attacher la présence d'un personnel qualifié est une condition sine qua non pour relever le défi des prochaines années. « Cela va commencer quand il faudra gérer le flux lors des vaccinations en masse. Il va falloir anticiper les besoins dans ces compétences », analyse Philippe Becker. Selon lui, l'organisation même des ressources humaines en officine va s'en trouver bouleversée. Un défi qu'il faudra relever à tout prix avant que cette nouvelle composante ne pèse, elle aussi, sur l'EBE.