- Vous savez ce qu'il s'est passé ?, demande Gisèle, inquiète.
- Tiens. Lis.
Damien tend son smartphone à Gisèle.
- Il semble que le type en voulait plus à la caisse qu'aux médicaments. Il a braqué la pharmacienne avec son flingue. Il a été surpris par l'entrée d'un autre client et a tiré dans le comptoir. Heureusement, personne n'était en face. T'imagines…
Le préparateur reste songeur tandis que Gisèle lui redonne son téléphone.
- Bon, c'est pas tout ça, mais il y a du monde qui attend. Ils sont tous venus avec leur bon de prise en charge pour le vaccin, dit Julien en regardant par la fenêtre.
- Et finalement, on fait quoi pour ceux qui n'ont pas de bon ou pour ceux qui ont une ordonnance ?, demande Damien.
- Et pour la vaccination ? Karine n'est pas là, Juliette non plus et Jean-Paul n'a pas suivi la formation. Il n'y a que toi, Julien…, poursuit Christèle.
- Oui, je vais les faire, pas de soucis. Mais les patients devront attendre un peu. Ou revenir. Karine arrive dans 10 minutes tout au plus. Elle doit rencontrer le maire pour évoquer les agressions en pharmacie. Ils veulent faire une action rassemblant tous les commerçants, explique l'adjoint. Pour ce qui est des personnes sans bon, on diffère la délivrance à décembre. Pour les prescriptions médicales, on délivre. Si les médecins jouent le jeu, ils ne font des ordonnances qu'à ceux qui en ont réellement besoin.
- Tu parles…, bougonne Nicole Bertin.
- Nicole, tu as raison. Mais on ne peut pas s'assurer auprès de tous ceux qui ont une prescription qu'ils sont effectivement dans la cible vaccinale. Et j'oubliais, certaines personnes sont à risque mais n'ont pas reçu de bon. On peut leur en éditer un dans ce cas.
- Il a bien changé notre petit stagiaire de 6e année, tout timide et réservé. Un vrai pharmacien en puissance.
Toute l'équipe rit au commentaire de Damien.
- J'espère que tu ne deviendras pas comme J-C !, ajoute Mme Bertin.
La matinée file à la Pharmacie du Marché, et le stock de vaccin contre la grippe se vide à vue d'œil. À 12 h 30, Gisèle fait le point auprès de ses collègues :
- C'est bien ce qu'on redoutait. En trois heures, nous avons déjà épuisé la moitié de notre stock. La bonne nouvelle, c'est que nous allons en recevoir demain. Le laboratoire me l'a confirmé. Pas beaucoup, mais ça permet de voir venir un peu plus.
- Et après ?, s'inquiète Julien.
- Une nouvelle livraison est prévue en semaine 46, répond l'employée logisticienne en regardant Karine.
- De toute façon, ajoute la titulaire, la situation va être tendue, on s'y attendait. Il faut bien qu'on rassure les personnes qui ont un bon que nous avons encore des vaccins. Quand… si notre stock arrive à zéro, alors on prendra les réservations, patient par patient. Il faut vivre avec la Covid, et avec le virus de la pénurie ! Sinon, nous avons mis dix vaccins de côté, pour toute l'équipe. On peut faire l'injection samedi après-midi, pour ceux qui seront là ?
- Ça ne sert à rien d'en réserver un pour Nicole, elle est contre !, lance Damien, un brin provocateur.
- Oui, mais cette année, c'est différent. Je veux être vaccinée, répond la préparatrice, sèchement.
- Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, souffle discrètement Christèle à Damien.
(À suivre…)