- Je vous ai apporté ma nouvelle carte de mutuelle, si vous avez le temps de mettre à jour les dates… Ce sera fait pour l'année prochaine.
- Merci Madame Chapovski. Effectivement ce qui est fait n'est plus à faire. D'autant plus que votre contrat ne change pas ?, répond Christèle en prenant la carte que lui tend la cliente.
- Et alors, les autotests, vous en avez ?
Christèle sourit, puis répond :
- Oui, nous en avons reçu. Vous en voulez ?
- J'avais demandé à votre collègue, vous savez le vieux grincheux, d'en mettre de côté deux boîtes.
Christèle se retient de rire, comprenant que Madame Chapovski parle de son collègue Jean-Paul.
- Je vais vous chercher ça, et je vous explique comment ça fonctionne.
Dans le back-office, Théo, Marion et Karine discutent avec Julien, de passage en métropole. Depuis le mois de juin, l'ancien adjoint de la Pharmacie du Marché occupe un poste de coordinateur à l'ARS Océan Indien.
- Il faut qu'on fasse quelque chose. C'est insupportable d'être traité comme cela alors qu'on se dévoue corps et âme depuis plusieurs mois, dit Marion en référence à l'autorisation donnée aux grandes surfaces de vendre des autotests.
- Pour moi, le problème n'est pas tant que les autotests soient distribués chez Leclerc ou Intermarché. J'aimerais surtout comprendre pourquoi nous avons été en rupture, et pourquoi du jour au lendemain le canal GMS a pu commander des stocks sans problème, poursuit la titulaire.
- Il faudra qu'il y ait une enquête. Je ne sais pas qui il faut saisir, la DGCCRF ou le Conseil d'État, mais je te rejoins sur ce point : il faut mettre en lumière les magouilles de la grande distribution, ajoute Julien.
- Il n'empêche qu'on a la désagréable impression d'être pris pour des imbéciles, comme pour les masques en début de pandémie. Pourquoi les syndicats n'appellent pas à la grève ? Leurs courriers sont bien jolis, mais ça ne sert à rien finalement. Les pharmaciens sont toujours la dernière roue du carrosse.
Tout en disant cela, Marion prend un chocolat dans une boîte offerte par un client fidèle.
- Mon mari, qui est médecin comme vous le savez, me reproche souvent de me plaindre, voire me lamenter. Il dit que les pharmaciens ont le syndrome de Caliméro. C'est vrai qu'à lire les messages sur les réseaux sociaux ou dans les groupes WhatsApp, beaucoup de confrères et consœurs se sentent lésés et demandent plus de reconnaissance, reprend Karine.
- C'est vraiment trop injuste, résume Julien.
- Euh, c'est qui Caliméro ?, intervient le jeune Théo.
Les autres éclatent de rire.
- Tu es trop jeune, Théo. Tiens, regarde, lui répond Marion en lui montrant son téléphone. C'était un dessin animé dans les années 1980.
- Et c'est quoi le rapport avec les pharmaciens ?
- Ce petit poussin n'avait jamais de chance alors qu'il était toujours gentil avec les autres, toujours bienveillant. Le syndrome de Caliméro, c'est le fait de se lamenter sans cesse parce qu'on croit qu'on est le plus malheureux du monde, explique Karine, pour préciser le diagnostic de son mari.
- En fait, Matthieu n'a pas tout à fait tort. Depuis que je suis à l'ARS, je me rends bien compte que les pharmaciens sont traités comme les autres professionnels de santé, ni plus ni moins. Est-ce qu'on a besoin qu'un ministre nous dise que nous sommes professionnels de santé pour l'être réellement ? Non, bien évidemment.
- Sur ces belles paroles les amis, il est 17 h 30. La pharmacie est vide. On ferme. Le champagne nous attend, dit Karine en sortant des flûtes de son bureau.
(À suivre…)