Le Quotidien du pharmacien. - Le projet de loi sur le statut unique du travailleur indépendant, qui prévoit notamment la dissociation des patrimoines personnel et professionnel, va-t-il susciter un regain d'intérêt pour l'exercice en nom propre de la pharmacie ?
Carole Lejas. - Je ne le pense pas car cette meilleure protection ne suffira pas à compenser les autres avantages que proposent les modes d'exercice soumis à l'impôt sur les sociétés. Et tout particulièrement les leviers financiers que ceux-ci permettent pour le remboursement de l'emprunt. Les bénéfices induits par ce projet de loi ne seront pas supérieurs.
D'ailleurs cette volonté de protéger le patrimoine personnel n'est pas tout à fait nouvelle puisque le législateur donne la possibilité de garantir le patrimoine privé du dirigeant par le biais de l'exercice individuel à responsabilité limitée (EIRL), un statut qui permet, en cas de faillite, de distinguer les biens personnels du patrimoine professionnel. Le nouveau texte peut, tout au plus, remettre en avant les atouts de l'EIRL, bien que je ne connaisse actuellement aucun titulaire sous ce statut.
Les liquidations judiciaires restent rares dans la profession. Elles n'ont concerné en 2020 que 8,7 % des fermetures d'officine*. Néanmoins, elles peuvent être dramatiques pour le titulaire qui exerce en nom propre.
Oui, car jusqu'à présent elles mettent en jeu le patrimoine personnel du titulaire. À l’instar de l'une de mes clientes qui avait commis une erreur dans le choix de l'emplacement lorsqu'elle a acquis sa seconde officine. Et qui a dû hélas engager son patrimoine immobilier personnel pour payer ses dettes. Mais si effectivement le titulaire exerçant en société, quel qu'en soit le statut, n'engage que le capital social de l'entreprise, il n'est pas rare que les banques lui demandent une caution sur son patrimoine privé. Souvent, le titulaire n'a d'autre choix que d'accepter, surtout lorsque la banque est seule à financer son projet. Cette condition imposée par la banque n'est pas illégale puisqu'elle relève du contractuel. Dans ces cas, il ne nous reste plus qu'à tout tenter pour limiter la durée et le montant de cette caution.
Outre le projet de loi sur le statut unique du travailleur indépendant, d'autres modifications sont-elles attendues pour l'exercice libéral, notamment dans la loi de Finances pour 2022 ?
Oui, tout à fait. Ce texte limite désormais le statut du conjoint collaborateur à cinq ans. Cette modification d'ici à 2027 concerne tous les titulaires employant leur conjoint sous ce statut, quelle que soit leur forme d'exercice. Pour autant, les titulaires exerçant en nom propre et ayant un conjoint bénéficiant du statut de collaborateur vont devoir s'en préoccuper rapidement et passer sous société. Soit le conjoint est lui-même pharmacien et il pourra alors être associé, soit il n'est pas diplômé, et dans ce cas il sera salarié. Les incidences financières de ce changement de statut seront à prendre en considération. Précisons que les nouveaux installés qui déclareront leur conjoint en collaborateur, pourront bénéficier de ce statut pendant cinq ans au maximum.
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