Promulgué en 1241 par l’Empereur romain germanique Frédéric II, l’édit de Salerne établit clairement la distinction entre les pharmaciens et les médecins : il est considéré pour cette raison comme l’acte fondateur de la profession de pharmacien, et a servi de base à toute la législation professionnelle construite au fil des siècles. Il retrouve depuis quelques semaines une actualité brûlante, liée aux ambitions de la pharmacie en ligne Zur Rose, maison mère de Doc Morris, dans le domaine de la télémédecine.
En juillet dernier en effet, Zur Rose rachetait le leader allemand des consultations médicales en ligne TeleClic, tout en jurant que la collaboration entre la pharmacie en ligne et la plateforme médicale se limiterait à quelques expériences préalables au lancement de l’ordonnance électronique prévu pour 2022. Ces assurances n’ont toutefois pas convaincu les organisations de pharmaciens allemands. Inquiets de la « forte proximité » introduite par ce rachat entre des médecins et des pharmaciens, ils ont demandé au ministère de la Santé, avec le soutien de plusieurs députés, de vérifier la conformité de cet acte avec l’édit de Salerne et les lois qui en découlent.
Début octobre, le ministère a jugé que ce rachat ne menaçait pas les règles existantes, notamment la liberté des patients de choisir leur pharmacie, et l’interdiction faite aux médecins comme aux pharmaciens de s’entendre sur la vente d’un médicament prescrit. Il a donc estimé inutile de prendre des mesures suite à ce rachat.
Peu après toutefois, le PDG de Zur Rose, Walter Oberhänsli, est revenu à la charge de manière beaucoup plus explicite, affirmant lors du congrès annuel des pharmacies en ligne qu’il était temps de s’interroger sur la pertinence et l’actualité d’un texte « publié il y a près de 800 ans ». Des propos qui ont choqué, y compris au sein des autres pharmacies virtuelles présentes lors de ce débat, et qui laissent présager de nouvelles polémiques touchant le cœur même de l’organisation de la santé telle que nous la connaissons…