Devant le réfrigérateur, J-C regarde les flacons de vaccin Comirnaty fraîchement livrés, que Gisèle vient de ranger les uns à côté des autres. Une étiquette mentionne en gros et en rouge « prêt à l'emploi - pas de dilution », pour bien distinguer cette nouvelle formulation de l'ancienne, dont d'ailleurs il ne reste plus de stock.
- Donc, normalement, on ne reçoit plus que des flacons avec des bouchons gris, c'est ça ?, demande le pharmacien, dubitatif.
- C'est ça, lui répond Gisèle, laconique.
- Et il y a beaucoup de rendez-vous pour le second rappel ?
- Non. Une petite dizaine seulement cette semaine.
Voyant que Gisèle n'a pas envie de parler, le titulaire tourne les talons et se dirige vers les comptoirs où Madame Mazarin, contrariée de ne pas pouvoir être testée aujourd'hui, redouble de remarques désagréables. En face d'elle, Jean-Paul reste de marbre, ce qui agace encore plus la patiente.
- C'est comme ça, Madame Mazarin. Vous n'avez pas de symptômes, rien qui ne justifie un test aujourd'hui. Mais rien ne vous empêche d'aller voir ailleurs si ça vous chante, répond finalement Jean-Paul aux provocations de la femme.
Puis en regardant Théo avec un sourire dissimulé, il marmonne :
- Ça nous fera des vacances.
Dans le bureau, Karine termine la lecture d'un article annonçant l'autorisation de substitution des biomédicaments de filgrastim et pegfilgrastim. Elle attend Lou, qui a accepté de remplacer Damien (épisode 142). Ce dernier quitte son poste en septembre pour devenir chargé de prévention à l'assurance maladie. Pour faciliter l'organisation pendant les grandes vacances, la titulaire veut proposer à Lou de commencer le contrat dès le mois de juin.
- Bonjour Lou. Nous sommes ravis de te revoir parmi nous. Tu es toujours d'accord pour commencer en juin ?
- Oui. Mais…
La jeune fille s'arrête de parler et regarde le sol. Karine, agacée par ce comportement, reprend :
- J'ai l'impression que quelque chose te dérange Lou. Déjà au téléphone, tu avais une drôle de voix. Quelque chose ne va pas ? Il faut me le dire maintenant.
La jeune fille a les larmes aux yeux.
- Lou, qu'est-ce qu'il y a ?
- C'est que je ne suis pas vaccinée.
- Comment ça, tu n'es pas vaccinée ? Et pourquoi ? Comment tu as fait pour les autres postes ?
- Je ne l'ai pas dit et on ne me l'a pas demandé de toute façon. Sauf Juliette. C'est pour ça d'ailleurs que je n'ai pas accepté le CDI qu'elle me proposait.
Habituellement calme et réfléchie, Karine sent la colère monter :
- Voilà autre chose.
- À vous c'est différent. Je le dis parce que sinon, j'aurais l'impression de vous trahir.
- Mais Lou, tu sais bien que tous les professionnels de santé ont l'obligation d'être vaccinés contre le Covid. Et toi aussi, en tant que préparatrice. Pourquoi tu ne veux pas te faire vacciner ?
- Parce que je suis enceinte.
- Enceinte ? Et tu comptais me le dire quand ?
La jeune préparatrice sanglote.
- Lou, c'est une très bonne nouvelle d'attendre un enfant. Mais tu comprends bien que tout cela compromet notre proposition.
La titulaire soupire et reprend :
- Je te propose une chose : tu te fais vacciner et nous maintenons la promesse d'embauche. J'imagine que l'accouchement est prévu pour octobre ou novembre ?
- Oui, c'est ça. C'est un petit garçon. J'ai peur que ce vaccin ne lui fasse du mal…
- Lou, on va discuter. Tu veux un café.
(À suivre…)