Depuis un an, les 1 400 habitants de Saint-Martin-Vésubie n’avaient plus de pharmacie suite au grave accident du précédent gérant, qui a dû baisser le rideau du jour au lendemain. Vingt minutes de route pour se rendre à l’officine la plus proche, une adjointe de la mairie et une préparatrice résidant au village qui allaient récupérer elles-mêmes des traitements pour certains patients… une année de système D, qui a pris fin le 8 novembre. Ce jour-là, la pharmacie du Mercantour a rouvert ses portes. Caroline Boulle, la nouvelle titulaire, n’avait récupéré les clefs qu’une semaine auparavant. Son choix de s’installer dans ce village perché à plus de 700 mètres d’altitude, durement atteint par la tempête Alex en 2020, ne s’est pas fait, lui, dans la précipitation. « J’ai exercé pendant près de 10 ans comme adjointe dans une pharmacie de centre commercial près de Nice, explique Caroline Boulle. J’ai toujours eu pour projet de venir travailler dans un milieu rural, pas forcément comme titulaire, et puis une opportunité s’est présentée. » Une opportunité qui aurait cependant pu dissuader le plus motivé des candidats. Avant sa fermeture, l’officine était au bord de la liquidation judiciaire. Les relations entre les habitants et le prédécesseur de Caroline Boulle n’ont pas toujours été idylliques à tel point que certains patients préféraient aller chercher leurs médicaments ailleurs… C’est donc avec joie que les Saint-Martinois ont accueilli leur nouvelle pharmacienne. « Tout se passe très bien depuis mon arrivée. Lorsqu’on travaille dans un village comme Saint-Martin, les relations sont beaucoup moins anonymes qu’en ville. J’habite ici et les patients sont aussi mes voisins, certains commencent même à être mes amis », raconte Caroline Boulle.
L’urgence de trouver un nouveau médecin
Au-delà des difficultés financières rencontrées par l’officine avant sa fermeture temporaire, une autre menace aurait pu faire fuir la jeune titulaire. L’unique médecin généraliste du village doit partir à la retraite dans près d’un an. « Environ 30 % des patients que je reçois depuis l’ouverture viennent avec une ordonnance rédigée par ce praticien. S’il n’est pas remplacé, il est certain que les conséquences pour l’équilibre économique de l’officine seront importantes », admet Caroline Boulle, qui se veut optimiste sur la capacité de sa commune à séduire un nouveau généraliste. « La mairie est prête à lui mettre un logement à disposition et à faire un gros effort sur le loyer du cabinet. Saint-Martin-Vésubie a beaucoup d’atouts, il y a d’autres professionnels de santé, notamment un couple de dentistes récemment installé. Le cadre de vie peut attirer beaucoup de gens comme cela a été mon cas. » Surnommée la « Petite Suisse niçoise » par les locaux, le village est situé au pied des montagnes, à quelques encablures des stations de ski et à seulement 1 h 20 en voiture de Nice et du littoral de la Côte d’Azur. Les séquelles de la tempête Alex, qui avait durement affecté les infrastructures routières, sont désormais de l’histoire ancienne,
Depuis son ouverture, la pharmacie du Mercantour accueille les patients de 9 heures à 12 heures puis de 15 heures à 18 heures tous les jours de la semaine, sauf le mercredi. Le samedi matin, l’officine est ouverte de 9 heures à 12 heures. À partir du mois de janvier, Caroline Boulle assurera également une garde un dimanche sur trois. Un rythme de travail qui lui permet d’accorder le temps nécessaire à son fils de 3 ans. « Pour l’instant, je travaille seule, complète-t-elle. Je propose la vaccination contre la grippe donc quand je suis occupée avec un patient, les autres doivent patienter mais cela se passe dans la bonne humeur. À l’avenir, j’aimerais proposer d’autres services, notamment le dépistage de l’angine ou de la cystite mais pour cela j’aurais sans doute besoin de renfort » D’autant plus que si Saint-Martin-Vésubie ne compte que 1 400 habitants, la population du village, très touristique, triple voire quadruple durant l’été et les vacances scolaires. Sans compter les résidents des villages de montagne alentour.
L’union fait la force
Pour assurer la soutenabilité économique de son établissement, Caroline Boulle va donc devoir relever de nombreux défis. Un pari qui pourrait sembler perdu d’avance mais la pharmacienne ne s’est pas lancée de manière irréfléchie dans ce projet, bien au contraire. « Je suis associée avec une pharmacie de Roquebillière, la plus proche de la mienne, dans le cadre d’une SELARL. Toute seule, je ne me serais jamais lancée dans une telle aventure, cela aurait été irréaliste au niveau économique. Si l’ouverture de ma pharmacie pénalise la sienne en termes de chiffre d’affaires, il est par exemple prévu que l’un de ses employés puisse éventuellement venir travailler chez moi. Cette association me permet aussi d’avoir des produits à des prix compétitifs, ce qui serait impossible en restant seule. » Après avoir un temps envisagé de racheter la licence de la pharmacie de Saint-Martin-Vésubie pour en faire une annexe, projet qui s’est heurté à un refus des décideurs politiques locaux, la titulaire de Roquebillière a en effet décidé de s’associer au projet de Caroline Boulle plutôt que de racheter la licence pour fermer la pharmacie et écarter un concurrent. « Elle a parfaitement su comprendre les besoins de la population », tient à souligner la nouvelle titulaire de la pharmacie du Mercantour. À tous les pharmaciens qui seraient tentés par une installation en secteur rural, malgré les difficultés actuelles que l’on connaît, Caroline Boulle veut adresser un message optimiste : « Bien sûr que cela est possible mais il ne faut pas y aller seul. »
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