- Ça fait beaucoup de boîtes !, dit la femme quand la pharmacienne arrive avec un sac bien rempli.
- Oui en effet. Une dose chaque jour en commençant la veille du départ. Vous partez dix jours et vous êtes quatre, répond Kenza tout en contrôlant une dernière fois la délivrance.
- Pour les enfants, je peux écraser les comprimés, n’est-ce pas ?
- Oui bien sûr. Pour les enfants c’est même recommandé. Et comme indiqué sur l’ordonnance, vous pouvez donner le comprimé écrasé avec un yaourt, ou une boisson lactée. Ça favorise l’absorption du médicament et ça sera plus facile à donner à la petite…
- Son premier voyage en Côte d’Ivoire ; les enfants vont enfin rencontrer leurs grands-parents paternels.
- C’est super ça. Vous avez ce qu’il faut pour vous protéger du soleil ? Avec le médicament que vous prenez, vous les deux parents, il faut limiter l’exposition aux UV.
- Mais en Côte d’Ivoire, il n’y a que du soleil…
- Oui, d’où l’intérêt d’utiliser une protection efficace.
Les deux femmes se dirigent devant le rayon des solaires.
- Il me faut aussi de l’antimoustique. Le médecin m’a dit de prendre du 10/10…
- Ce qu’il faut surtout, c’est un produit spécial tropique. Tenez…
- J’avais acheté des bracelets l’année dernière…
- Oubliez. Il vous faut un répulsif efficace. Il faut aussi porter des vêtements couvrants, utiliser une moustiquaire imprégnée la nuit…
La femme prend le spray dans sa main, le retourne dans tous les sens.
- Un dernier conseil : vous appliquez la crème solaire en premier, PUIS le répulsif une quinzaine de minutes après.
- Merci vraiment pour tous vos conseils, merci.
- Vous nous enverrez une carte postale, lui répond Kenza en souriant.
Au comptoir d’à côté, Marion reçoit Monsieur Madeleine. Elle est heureuse de le revoir. Il est accompagné d’un homme d’une quarantaine d’années.
- Bonjour madame Docteur en pharmacie, ça va ? Je vous présente mon fils. Il est beau n’est-ce pas ? Il est revenu des États-Unis pour être avec moi.
L’homme réagit :
- Papa plaisante toujours. Mais si je suis beau papa, c’est parce que tu l’es aussi.
Soudain, ses yeux rougissent et, sans savoir pourquoi, Marion sent l’émotion l’envahir à son tour. Monsieur Madeleine, toujours souriant, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il se bat contre un cancer depuis des années. Il a reçu tous les traitements possibles, y compris des CAR-T cell (cf. Épisode 195). Après chaque combat gagné, le cancer lance une contre-offensive.
- Karine n’est pas là ?, demande le vieil homme.
- Vous voulez que je l’appelle ?
- Oui, mais restez aussi. On peut se mettre dans un endroit plus…
- Plus confidentiel ? Oui bien sûr, venez avec moi dans la salle Pasteur.
- Ah ce sacré Pasteur, je lui dirai bonjour de votre part.
Marion ne comprend pas la plaisanterie.
Dans la salle Pasteur, face à Karine et Marion, Monsieur Madeleine explique :
- Je tenais à vous dire au revoir. Je pars en voyage.
Dans sa tête, Karine est soulagée de savoir que Monsieur Madeleine part vivre près de son fils, aux États-Unis. Elle leur sourit mais elle se fige quand Monsieur Madeleine reprend la parole :
- Je pars en Suisse et je ne reviendrai pas.
Son fils lui saisit la main et dit aux pharmaciennes, toutes les deux émues aux larmes :
- Papa a fait son choix. Et je serai avec lui jusqu’à la fin.
(À suivre…)