« Quand je me suis installé en 2004, il y avait un médecin, un restaurant, une boulangerie, une banque… Il ne reste plus rien », se désole André Gardère, pharmacien à Beauville (580 habitants). En effet, la succursale bancaire a fait place à un distributeur qui pourrait même être supprimé, faute d’utilisation suffisante ; l’unique généraliste est parti en décembre, le boulanger a fermé en juin et le restaurant en août… Une lente agonie qu’André Gardère a vu venir : « J’ai alerté pendant des années, mais rien n’a été fait. »
Ordre, ARS, élus… ses appels n’ont guère eu d’écho. Pire, une MSP s’est constituée sur le secteur, mais à Laroque-Timbaud (à 12 km) et non à Beauville. Aussi, le 30 septembre dernier, il a lâché un dernier coup de gueule dans le quotidien local, comme une bouteille à la mer. Un cri d’alarme pour pointer une situation qui n’a pas fini de se dégrader : « Le plus jeune médecin de Laroque-Timbaud a décidé de rentrer dans sa région natale. Les trois médecins restants sont proches de la retraite, tout comme le dernier généraliste de La Sauvetat. Ainsi en quelques années, notre secteur va passer de sept généralistes à zéro ! »
Épée de Damoclès
Une catastrophe pour sa petite officine dont le chiffre d’affaires a baissé de 12 % en 2019 et devrait suivre la même pente cette année : « A 55 ans, j’ai des emprunts à rembourser jusqu’en 2028 ! indique André Gardère. Je vis en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. » Seul avec sa préparatrice, il est désemparé. Rien ne va plus. Jusqu’aux travaux dans l’église voisine qui le privent de son parking. Il vit toutes ces épreuves comme une marque d’ingratitude : « Pendant le confinement, nous étions toute la journée à renouveler des ordonnances, récupérer des cartes vitales, livrer les médicaments, partager notre photocopieuse, servir de dépôts aux magasins fermés. J’ai eu des pneus et même des cartouches de cigarettes entassés dans l’officine ! Certains soirs, avec ma femme (infirmière libérale) nous finissions à 23 h 30… J’ai l’impression qu’on nous a vite oubliés. »
Que faire ? Avec des emprunts et une officine difficilement vendable, André Gardère n’a pas d’autre choix que d’alerter, rêver qu’un jour « on puisse obliger les médecins à venir en milieu rural ». En attendant, il espère le recrutement d’un généraliste salarié pour pallier l’absence de prescripteur dans sa commune. L’idée sera peut-être rapidement étudiée. En effet, la préfète du Lot-et-Garonne vient de convier le pharmacien à une réunion avec le député, le maire de Beauville et le directeur de la communauté de communes. Son appel n’a peut-être pas été vain. À suivre…