C’est une première. Jusqu’à présent aucune étude en France n’avait quantifié l’augmentation des cancers du sein chez les femmes jeunes. Face à l’impression d’une hausse lors de ses consultations, alors que des études américaines et britanniques enregistraient déjà un tel phénomène, le Pr Pascal Pujol du CHU de Montpellier s’est penché sur les registres de cancer du réseau Francim. Le chef du service d’oncogénétique a étudié 229 352 cancers du sein survenus entre 1990 et 2023.
Résultats, publiés dans The Breast : l’incidence du cancer du sein chez les femmes de plus de 30 ans est passée de 16,1 cas pour 100 000 personnes en 1990 à 26,3 cas pour 1 000 000 personnes en 2023, une augmentation moyenne de 1,5 % par an. Soit une explosion de 63 % pendant les 33 années de l’étude. Elle est de 33 % pour les plus de 40 ans, pendant la même durée.
Un phénomène multifactoriel
Selon Pascal Pujol, en l’absence de cause établie, deux facteurs pourraient entrer en jeu : des perturbateurs endocriniens dans l’environnement et des éléments du mode de vie, comme le recours à la contraception orale, des grossesses plus tardives, la réduction des maternités et de l’allaitement… Mais aussi la sédentarité, le stress, les habitudes alimentaires. Ce rajeunissement des populations atteintes soulève la question d’une évolution de l’âge du dépistage. Une évolution à laquelle souscrit d’ailleurs le Pr Pascal Pujol. La commission européenne a préconisé d’abaisser l’âge du dépistage à 45 ans. Aux États-Unis, des sociétés savantes sont favorables à un début à 40 ans.
Une attention particulière doit être portée à la réponse accordée à la première invitation de la campagne de dépistage. Une étude suédoise, publiée par le British Medical Journal, a étudié 432 775 femmes invitées à participer au programme suédois de dépistage du cancer du sein, entre 1991 et 2020 et suivies jusqu’en 2023 : un tiers n’ont pas été réaliser la première mammographie. Par la suite, elles ont continué à se faire moins dépister : elles n’ont fait que 4,77 mammographies sur un cycle de 10 contre 8,74 pour celles qui se sont rendues à la première invitation.
Conséquence : chez ces femmes mal suivies, un cancer est dépisté le plus souvent suite à des symptômes, et à un grade plus élevé (4,1 % au stade III contre 2,9 % pour celles suivies dès le début). La mortalité est également plus élevée dans ce groupe. « La non-participation est un signe de désengagement persistant de la prévention, analyse les chercheurs. Il y a une opportunité à cibler ces personnes pour diminuer la mortalité. »