De multiples tests auto-administrés sont aujourd’hui disponibles à l’officine, permettant de révéler une maladie infectieuse (VIH, Covid-19, grippe, angine, maladie de Lyme, infection à H-Pylori, tétanos, infection urinaire, vaginale…), une maladie chronique (diabète, cholestérol, anomalie de la prostate, cancer colorectal, maladie hépatique, rénale…), de mesurer un taux hormonal (grossesse, ovulation, ménopause, TSH…), de dépister une sensibilité allergique, une carence en fer, de déceler la présence d’alcool, de cannabis dans le sang… Tous circuits confondus (officine, grande distribution, établissements de santé), ces dispositifs représenteraient 20 % du marché du diagnostic in vitro qui dépassait les deux milliards d’euros en 2020, selon Alcimed, société de conseils en innovation et santé. Les autotests positif/négatif du réseau pharmaceutique qui, la même année, totalisaient 5,3 millions de boîtes vendues pour 34,2 millions d’euros (IQVIA Pharmastat), devaient connaître par la suite une envolée spectaculaire liée à l’avènement d’un tout nouveau segment, celui des autotests dédiés au Covid-19 (Boiron, AAZ, Biosynex, Newgene, Hotgen Biotech, Deepblue Medical, Medicare Solutions, Getein Biotech, Biogyne…).
Mis à disposition du grand public en avril 2021, ces derniers ont généré une hausse de 546 % en volume et 709 % en valeur d’un marché total pesant désormais 34,1 millions de boîtes vendues pour un chiffre d’affaires de 277 millions d’euros (IQVIA Pharmastat). Leur arrivée dans les rayons des officines a permis de répondre à un besoin aigu motivé par la grande contagiosité d’une maladie imposant de se tester fréquemment. Un impératif qui a conduit de nombreux acteurs à investir le segment, certains moins attendus que d’autres. « Face à la forte demande qui existait à l’époque, nous avons décidé de créer des chaînes d’assemblage pour fournir des autotests Covid-19 contrôlés et fiables », explique t-on chez Boiron. Devenu, depuis, un distributeur majeur du marché, le spécialiste de l’homéopathie a commencé par s’associer avec un fabricant breton (NG Biotech) dont il a commercialisé les autotests avant de compléter son offre en distribuant des marques étrangères. « Depuis un an, ce marché a beaucoup fluctué selon les mesures sanitaires imposées par le gouvernement – réalisation d’autotests pour les cas contacts en milieu scolaire – et la nécessité de se tester avant de rejoindre sa famille à l’occasion des fêtes de Noël notamment mais aussi en début d’année avec la reprise des contaminations. »
Vers un geste réflexe ?
Cette dépendance du segment aux conditions sanitaires pose cependant la question d’un avenir où, dans un contexte de moindre circulation virale, les besoins en autotests risquent de diminuer. « Nous continuons de fournir l’officine alors que le nombre des contaminations est en train de refluer, remarque t-on chez Boiron. Tant que le Covid-19 sera présent, ces besoins en autotests existeront ».
Pour Biogyne, spécialisé dans le dépistage des maladies infectieuses (Covid-19, VIH) et les autotests de la sphère féminine (grossesse, cystite/mycose), l’avenir de la demande est prometteur. « Les tests antigéniques et PCR ont familiarisé le patient avec le prélèvement nasal », note Alain Neddam, dirigeant du laboratoire. « L’autotest, quant à lui, a démocratisé le geste créant un réflexe au sein d’une population qui n’hésite plus à se tester. » Une habitude qui pourrait servir au développement d’autres segments des autotests. « Le dépistage de la grippe par prélèvement nasal reflète déjà la tendance. » D’autres filières pourraient l’imiter comme celles de l’auto-dépistage des mycoses, des cystites, des MST ou celui des maladies de la prostate ou du colon… « Toute recherche pré-pathologique ou de maladie infectieuse est porteuse. Le patient est appelé à s’impliquer dans sa surveillance. Cette crise a fait évoluer la façon de prendre en charge sa pathologie. »
AAZ, concepteur de l’autotest VIH et présent sur les segments de l’auto-dépistage du Covid-19 avec un autotest adulte et un autotest plus particulièrement destiné aux enfants - dont le prix maximal de vente vient d'être revalorisé à 5,20 euros* - et du gluten, évoque pour sa part, la maladie cœliaque et le tétanos comme des domaines de recherche amenés à se développer : « 1 % de la population souffre de maladie cœliaque et beaucoup ignorent leur intolérance au gluten car les symptômes associés peuvent passer inaperçus », déclare Fabien Larue, dirigeant du laboratoire. « Les coupures tétanigènes sont également très fréquentes et de nombreuses personnes pourraient bénéficier d’un autotest pour vérifier leur immunité vis-à-vis du tétanos. » Dans cette mutation que connaît l’autosurveillance sanitaire, le pharmacien a un rôle à jouer. La convention pharmaceutique 2022/2027, signée en mars dernier, a ainsi ajouté certains tests à la liste de ses missions. « Le dépistage de la cystite aiguë simple – délivrance de bandelettes urinaires et analyse - et la dispensation du kit de dépistage du cancer colorectal vont s’inscrire dans les nouvelles missions du pharmacien. D’autres autotests – VIH, hépatite C, tests combinés Covid-19/grippe – pourraient les suivre. »
Contraintes réglementaires
Si l’usage des autotests se banalise, plusieurs questions se posent : celle du suivi du patient, seul face à son résultat ; celle du risque d’erreur qui, outre une mauvaise manipulation, peut mettre en cause la qualité du dispositif. « De nombreux tests sans grande fiabilité ont envahi les pharmacies au moment du pic des demandes de dépistage du Covid-19, poursuit Fabien Larue. La qualité du dispositif et sa pertinence sont deux points qui doivent interpeller le pharmacien. » Un devoir de vigilance que va renforcer le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux entré en application en mai 2021 assorti d’un délai de mise en conformité courant jusqu’en mai 2024. « Les autotests sont passés dans une classe supérieure ce qui impose aux fabricants des contraintes de production plus sévères - évaluation clinique et contrôles liés à la certification renforcés - et oblige les pharmaciens à une procédure de vérification quant à la conformité du dispositif », rappelle Alain Neddam.
Ces nouvelles dispositions concernent également les tests de grossesse (Clearblue chez P&G, Biosynex test de Grossesse, Suretest chez Cooper, Elle Test chez Gilbert…), second segment du marché avec 5,1 millions de boîtes vendues pour 28,5 millions d’euros (CMA à mars 2022, IQVIA Pharmastat).
Leur progression de 7,6 % en volume et 11,7 % en valeur repose sur la hausse du trafic en pharmacie selon Jonathan Jacquin, responsable de la gamme Clearblue chez Procter&Gamble : « Suite à la crise sanitaire, les utilisatrices ont éprouvé le besoin de prendre soin d’elles-mêmes et de se sentir rassurées par la fréquentation d’un lieu de santé de proximité. » L’éventail des fonctions que proposent désormais certaines gammes - détection précoce, estimation de l’âge de la grossesse (...) – a aussi pu jouer en faveur du segment. Un certain engouement pour la technologie digitale (affichage du résultat en toutes lettres) est aussi évoqué. « Dans cette catégorie, où les dispositifs peuvent être deux fois plus chers, les ventes ont augmenté de 15 % en volume l’an passé. »
Les tests de grossesse précoces, en évolution de 65 % en volume, sont toutefois les plus dynamiques du segment, selon Salomé Hémar, chef de produit chez Biosynex (autotests grossesse/ovulation, Covid-19, VIH, infection urinaire/vaginale, gluten/cannabis). « Notre test précoce est le premier à se baser sur la date du rapport sexuel, plus pertinente pour certaines femmes que celle des prochaines règles que 51 % d’entre elles ne connaissent qu’approximativement. »
*Arrêté du 20/04/2022 modifiant l’arrêté du 1/06/2021 lié à la sortie de crise sanitaire (Ministère des solidarités et de la santé).