Il est 8 heures lorsque la sonnette de garde retentit. Karine interrompt sa lecture d'un article intitulé « Les viroses hivernales sont en avance », pose son mug de thé et referme sa blouse. La nuit a été calme mais la pharmacienne s'attend à une journée agitée, vu les commentaires de ses confrères alentour qui ont assuré la garde de la Toussaint. Par précaution, elle a demandé à Damien et Marion de venir l'aider. En attendant leur arrivée, à 9 h 00, elle gère seule les patients qui se présentent à la pharmacie.
De l'autre côté du sas de garde, un homme d'une trentaine d'années lui tend une ordonnance. Des antibiotiques. Il sort de l'hôpital. Derrière lui, une jeune femme attend son tour, avec son enfant dans la poussette. Quand Karine revient avec l'amoxicilline/acide clavulanique, la queue s'est allongée de trois autres personnes.
« La journée va être intense, c'est certain », songe-t-elle en tendant le sachet de médicament au jeune homme. La maman et son enfant s'avancent vers le comptoir de garde.
- Le petit a pleuré toute la nuit, explique la mère.
- Vous avez pris sa température ?
- Non, je n'ai pas de thermomètre.
Pour Karine, plusieurs signes indiquent que l'enfant a de la fièvre. En outre, le petit se tient l'oreille, ce qui peut laisser supposer qu'elle le fait souffrir.
- Vous devriez consulter un médecin. Vous pouvez appeler le 15, ils vous diront où aller.
- Mais vous ne pouvez pas donner quelque chose ?
- Si, je vais vous donner du paracétamol en pipette.
La jeune mère s'éloigne, la démarche traînante.
La pharmacienne n'a pas vu l'heure passer quand Marion et Damien arrivent.
- Vous n'êtes pas venus pour rien, je vous promets, leur lance Karine. On va ouvrir la porte, ce sera plus simple que de faire attendre les gens dehors. Maintenant qu'on est trois, je suis un peu rassurée…
- Le parking est plein. C'est quoi ce délire ?, dit Damien, incrédule.
- Bon, allez c'est parti. Karine, si quelqu'un nous demande d'être vacciné aujourd'hui, on répond quoi ?, demande Marion.
- Non, pas aujourd'hui. On fait revenir les patients. Les gardes, c'est censé permettre de gérer les urgences.
Dès que les portes automatiques s'ouvrent, un flot de clients entrent dans la Pharmacie du Marché, Monsieur André en tête.
- Monsieur André ? Mais…
- Quoi ? La pharmacie est ouverte, alors je viens…
« J'ai vu de la lumière alors je suis entré », pense Karine, avant de poursuivre à haute voix :
- Vous êtes venu hier pour votre renouvellement il me semble ?
- Oui, mais je n'avais pas mon ordonnance de collyre. La voici.
- Très bien, répond la pharmacienne en rongeant son frein. Dans ces situations, elle aimerait avoir le culot de son confrère Jean-Paul ; lui n'aurait pas hésité à dire à Monsieur André que ce renouvellement pouvait attendre.
Dans le back-office, Marion et Damien échangent quelques mots en se croisant :
- Tu ne sais pas ce qu'on vient de me demander ? De la présure…
- Je rêve. Moi pour le moment, je n'ai fait que des renouvellements d'ordonnance.
- Tu sais quoi ?, poursuit Marion. Je pense que c'est la société de consommation qui crée ce phénomène. Le client de tout à l'heure m'a expliqué que tous les magasins dans la zone commerciale étaient ouverts, même un jour férié. Il s'étonnait que les pharmacies n'en fassent pas autant.
- On nous habitue à avoir tout, tout de suite. Y'a plus de jours fériés ma p'tite dame. Bientôt, même Noël sera un jour comme un autre, plaisante le préparateur.
(À suivre...)