La Pharmacie du Marché

L'ambivalence de Monsieur André

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Publié le 13/10/2022

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Épisode 163. Marion reçoit Monsieur André pour sa vaccination contre le Covid. Ce dernier lui tient un discours surprenant et contradictoire.

Dans le local improvisé pour la vaccination, Marion accueille Monsieur André. Fidèle de la Pharmacie du Marché, il est aussi un des patients les plus exigeants. Sa mauvaise foi est légendaire, et toute l’équipe sait qu’il faut peser chacun de ses mots avec lui.
- Bonjour Mademoiselle. C’est vous qui me piquez aujourd’hui ?
- Oui Monsieur André, répond la pharmacienne en consultant le dossier du patient. Deuxième dose de rappel donc ?
- Si vous le dîtes. À force, on ne sait plus à quelle dose on en est !
Tout en prélevant une dose dans le flacon au bouchon bleu, Marion demande :
- Et le vaccin contre la grippe, c’est pour quand ?
- Jamais.
Marion écarquille les yeux.
- Jamais ? Et pourquoi pas la grippe, alors que vous vous faites vacciner contre le Covid ?
- En cinquante ans Madame, je n’ai jamais fait de grippe. Alors, je pense être immunisé. Pour le Covid, c’est pas pareil.
- Ah bon ?, s’amuse l’adjointe.
- Le Covid, ça tue. La grippe…, poursuit le patient en prenant un air dubitatif.
- Et bien si vous changez d’avis, je vous vaccinerai avec plaisir.
« Encore un qui en sait plus que les médecins et les pharmaciens », songe Marion en saluant Monsieur André. Elle accueille ensuite Madame Yanoix.
- Comment allez-vous Madame ?
- Bien merci.
- Vous êtes seule aujourd’hui ? Votre mari n’est pas venu, demande la pharmacienne sans se douter de la réponse qui allait suivre.
- Il est souffrant. Il m’a laissée… Enfin je veux dire, il m’a demandé de venir chercher ses médicaments. Je vous remercie d’avoir accepté de me vacciner aujourd’hui alors que ce n’était pas prévu. C’est important pour moi, de vous voir seule.
- Pas de souci. Il nous reste une dose suite à un désistement. Je vous laisse relever votre manche s’il vous plaît madame ?
La femme hésite. Elle regarde Marion intensément. Lorsque, seringue à la main, Marion se retourne et voit le bras meurtri de sa patiente, elle n’arrive pas à dissimuler sa surprise.
- Madame Yanoix, nous sommes seules en effet. Il ne peut rien vous arriver ici. Vous avez eu raison de ne pas garder cela pour vous.
- Ne faites rien. Ne m’aidez pas. Ça va ne faire qu’empirer les choses.
- Je ne ferai rien sans vous. Mais si vous avez insisté pour vous faire vacciner seule, pour que je voie votre épaule, c’est que vous voulez que ça cesse. C’est à vous de continuer la démarche. Moi, je ne suis là que pour vous soutenir, vous accompagner.
Madame Yanoix baisse les yeux. Puis timidement, elle demande :
- Vous me conseillez quoi ?
- D’en parler avec quelqu’un qui saura vous guider. 39 19. Vous voulez appeler maintenant ?
- Non, je reviendrai. Il va me poser trop de questions sinon. Vous me vaccinez ?
- Vous le voulez ?
- Si je lui dis que je me suis fait vacciner, il va se douter que vous avez vu mes bleus.
- Vous n’êtes pas obligée de lui dire. Mais de toute façon, je ne peux pas vacciner de ce côté. L’autre bras est-il moins…
- L’autre bras, c’était il y a un mois.
- Quand vous reviendrez pour vous faire vacciner avec lui, je ferai semblant d’injecter. Ne vous inquiétez pas. Et tiens, c’est dommage, vous allez devoir revenir parce qu’il manque des médicaments, rassure Marion avec un sourire complice.
(À suivre…)

David Paitraud

Source : Le Quotidien du Pharmacien