EndoAct : pour repérer l'endométriose au comptoir
Lore-Anne Viénot-Trillou, pharmacienne à Lyon, a expérimenté un questionnaire pour repérer et orienter les femmes atteintes d’endométriose en moins de deux minutes. Quatre questions au comptoir qui pourraient mettre fin à des années d’errance diagnostique.
En posant seulement quatre questions au comptoir, peut-on aider à réduire l’errance diagnostique de l’endométriose ? Lore-Anne Viénot-Trillou, pharmacienne titulaire au Point-du-Jour à Lyon, en est persuadée. Sensibilisée par une amie en 2020, elle a réalisé qu’une femme sur dix souffre de cette maladie gynécologique, caractérisée par des douleurs intenses et par un retard moyen de diagnostic de 10 ans. Cette affection est la première cause d’infertilité en France. « Les équipes officinales ont un rôle à jouer dans le repérage de cette maladie », assure celle qui, diplômée d’un master en éducation thérapeutique du patient, s’est formée à l’endométriose.
Au comptoir, la douleur sévère des règles devrait être une porte d’entrée
Lore-Anne Viénot-Trillou, pharmacienne titulaire au Point-du-Jour à Lyon
« Au comptoir, la douleur sévère des règles devrait être une porte d’entrée », pressent-elle. La pharmacienne cherche alors quelles questions poser pour un repérage en moins de 2 minutes. « Le Dr Arnaud Fauconnier, gynécologue-obstétricien, et son équipe ont défini un questionnaire, en travaillant avec des patientes de l’association EndoFrance, prédictif à 77 % d’une endométriose ». Elle retient 4 items à demander aux femmes souffrant de règles douloureuses, identifiées lors de la présentation d’une ordonnance, d’une demande de conseil ou d’une automédication.
Selon l’HAS, le diagnostic de l’endométriose repose sur un interrogatoire approfondi, un examen gynécologique, si possible, et une échographie pelvienne. Si les résultats sont discordants ou insuffisants, une IRM est réalisée. Le test salivaire Endotest peut, lui, intervenir lorsque les examens d’imagerie sont négatifs, mais que la symptomatologie reste marquée. « Avec le questionnaire EndoAct, il ne s’agit évidemment pas de poser un diagnostic, précise Lore-Anne Viénot-Trillou. Quand le score atteint au moins 3 sur 4, le but est d’orienter la personne vers un professionnel de santé de premier recours pour une prise en charge adaptée. »
Objectiver la recherche
Lore-Anne Viénot-Trillou se lance en 2021. Elle teste d’abord la faisabilité du questionnaire à Aix-en-Provence et le présente à des médecins experts. « Ils ont reconnu la pertinence et la simplicité du dispositif et m'ont encouragée à poursuivre l’initiative », raconte-t-elle. En 2022, elle l’expérimente auprès de 20 pharmacies en Rhône-Alpes-Auvergne, mais les résultats sont trop hétérogènes. Elle intègre alors « un score permettant d’objectiver la recherche d’une endométriose » et, entre septembre et décembre 2024, le dispositif est testé dans 16 pharmacies du groupement Hellopharmacie.
Résultat : 109 femmes de 26 ans en moyenne ont été orientées, dans 75 % des cas à la suite d’une ordonnance pour des anti-inflammatoires non stéroïdiens (principalement Antadys), d’une contraception œstroprogestative (27 %) ou progestative (9 %), mais aussi à la suite de prescriptions inadaptées. « Par exemple, du paracétamol codéiné prescrit jusqu’à 6 comprimés par jour pendant 15 jours tous les mois, sans qu’aucune investigation pour détecter une endométriose n’ait été réalisée ».
Orienter toutes les femmes en trois ans
Pour mesurer l’impact du dispositif, elle s’appuie sur une pharmacie très engagée dans l’expérimentation. « L’échantillon n’est pas suffisant, mais encourageant », se réjouit-elle. Sur 30 personnes orientées, 14 ont fait un retour : 100 % ont pris rendez-vous avec un professionnel de santé désigné par la pharmacie, 92 % ont réalisé des examens d’imagerie, 30 % ont été diagnostiquées comme atteintes d’endométriose dans les deux mois. « Si les 20 000 pharmacies adoptaient ce dispositif, il serait possible d’orienter toutes les femmes concernées par cette maladie dans les 3 ans », estime-t-elle.
Cela supposerait cependant de reconnaître le rôle du pharmacien dans la réduction de l’errance diagnostique. Or, « il n’est pas cité une seule fois dans la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose 2022-2025, contrairement aux infirmières scolaires ». Plus de 200 officines ont rejoint le réseau EndoAct France et ont suivi au moins un module de formation (4 heures), dispensé par Lore-Anne Vienot-Trillou. Mais pour gagner le soutien d’une ARS ou expérimenter à plus grande échelle, elle a besoin de ressources financières dédiées. Et d’ajouter : « En attendant, chacun peut se former et rejoindre le réseau ».
Label Allaite Lib' : la pharmacie, un refuge pour allaiter
La reprise du travail est l’un des premiers obstacles à l’allaitement maternel. L’URPS Pharmaciens Île-de-France, le lactarium régional et le réseau de santé périnatal parisien se sont associés pour créer un label pour les officines accueillant les femmes allaitantes. Ou comment faire de l’espace confidentialité un cocon pour les mères de passage.
Où se poser pour allaiter son nourrisson ou tirer son lait, lorsqu’on travaille en Île-de-France et que le moindre déplacement professionnel prend plusieurs heures ? Il y a bien le Lactarium régional, rattaché à l’hôpital Necker. « Nous avons remarqué que des mères traversent tout Paris pour venir y tirer leur lait, raconte Élise Harot- Brunet, responsable adjointe du Lactarium et pharmacienne d’officine en Seine-et-Marne, alors qu’il y a toujours une pharmacie pas loin, avec un espace confidentialité potentiellement non utilisé. » C’est pour mettre cet espace gratuitement à disposition des mères allaitantes qu’Élise Harot- Brunet a lancé le label Allaite Lib’.
Concrètement, en signant la Charte Allaite Lib’, les pharmacies s’engagent à mettre à disposition un espace confortable et un professionnel ayant validé la formation dispensée par l’URPS Pharmaciens Île-de-France. Ces soirées d’information animées par Élise Harot- Brunet et Virginie Rigourd, pédiatre responsable du Lactarium régional, sont organisées avec le Réseau de santé périnatal parisien. Une fois le label accordé, l’URPS envoie une vitrophanie du logo Allaite Lib’, complété d’un QR code pour évaluer la satisfaction des usagères. « L’officinal ne devient pas pour autant un professionnel de l’allaitement. Lorsque nécessaire, il oriente vers un professionnel formé ou vers l’annuaire « SOS allaitement Île-de-France ».
Maintenir la production de la glande mammaire
Les femmes actives sont la principale population. La reprise du travail est, en effet, une raison majeure de l’arrêt de l’allaitement maternel. Selon l’étude Epifane (2021), 77 % des mères démarrent l’allaitement en maternité, dont 59 % exclusivement. Mais deux mois plus tard, seules 26 % des mères allaitent au sein uniquement, 25 % sont passées à l’allaitement mixte avec du lait infantile. « Si une mère souhaite conserver les tétées du matin ou du soir, elle doit tirer son lait dans la journée pour maintenir la production de la glande mammaire, explique la pharmacienne, ainsi que pour éviter tout engorgement, mastite ou abcès. » Ne pas avoir de pièce dédiée sur le lieu de travail est un frein. Quant à allaiter en public, malgré la loi du17 octobre 2023 l’autorisant, cela reste un tabou. Le 17 janvier 2025, la mère d’un nourrisson de 3 mois a été chassée par les agents de l’espace vente SNCF de la gare de Nantes où elle avait trouvé refuge « au chaud ».
« Le congé est de 10 semaines après l’accouchement, il faut compter 2 à 3 semaines pour calibrer l’allaitement, puis autant pour le sevrage, si bien que beaucoup de femmes hésitent à se lancer », explique Élise Harot- Brunet, détentrice d’un diplôme interuniversitaire lactation humaine et allaitement maternel (DIULHAM). Or, l’OMS conseille un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois. En France, la diversification alimentaire peut être démarrée entre 4 et 6 mois. Parmi les bénéfices, selon le Haut conseil en santé publique : la protection de l’enfant contre les gastroentérites, les otites moyennes aiguës et les infections respiratoires basses au cours de la première année de vie. Pour la mère, la réduction du risque de cancer du sein et des risques cardio-vasculaires.
Allaite Lib’ n’impose pas d’exclure de l’espace de vente les substituts du lait maternel, sucettes, tétines, comme c’est le cas pour le label PHAAM (Pharmacie amie de l’allaitement). « Il n’y a aucune contrainte, notre objectif est de créer un maillage d’officines accueillantes pour toutes les mères, les mères allaitantes incluses », assure Élise Harot- Brunet. Toute promotion ou publicité pour les laits 1er âge est par ailleurs réglementairement interdite en officine et en vitrine.
Selon l’URPS, 12 pharmacies sont aujourd’hui labellisées et 13 pharmacies, qui ont validé le test post-formation, devraient bientôt l’être. D’autres ont participé à la formation, mais pas encore fait valider leur dossier. Un des freins repérés : arriver à mobiliser le personnel déjà très sollicité. Pour Élise Harot- Brunet, la durée idéale de l’allaitement est celle souhaitée par la mère : « Le taux d’allaitement en France est tellement bas que toute durée est bonne à prendre »