La revanche des fumeurs

Les fumeurs, ces damnés de la terre et catégorie sociale la plus vilipendée, ont cru qu'ils allaient se venger de l'État qui leur livre une hallucinante guerre des prix : 10 euros le paquet de cigarettes. Ne voilà-t-il pas en effet que, parmi les milliers d'observations notées par le corps médical dans la crise sanitaire, la nicotine est apparue comme un pare-feu contre le coronavirus ? Aussitôt, ce fut le clash entre les cancérologues, terrorisés par la montée en puissance d'une croyance délétère et le peuple fumeur, convaincu qu'il disposait soudainement d'un atout dont les non fumeurs étaient privés. Du coup, beaucoup de nos concitoyens, dont les connaissances médicales ne sont pas plus sophistiquées que celles d'un certain président préconisant l'injection d'eau de Javel, sont allés acheter des cigarettes dans les bureaux de tabac, rares commerces, comme c'est curieux, qui n'aient pas été verrouillés par le confinement. On a vu de longues queues devant les vendeurs de poison et ce n'était pas pour le commerce des timbres. En somme, un paquet à dix euros, c'était mieux qu'un masque à 13,95 (le prix qui m'a été infligé une fois, mais pas deux). Sodome et Gomorrhe ! La débauche ne dura pas. Les médecins reprirent avec vigueur leur discours incendiaire contre le tabagisme. La vertu l'emporta sur le vice.