- Alors ces vacances ?, demande Christèle à Marion, entre deux clients.
Appuyée contre l'autre comptoir, l'adjointe lui sourit :
- Excellentes, enneigées et professionnelles.
- Professionnelles ?
Marion raconte rapidement à la préparatrice comment elle est venue en aide à Isabelle, en état d'hypoglycémie (épisodes 137 et 138).
- Je te raconterai la suite tout à l'heure, ajoute la pharmacienne avant d'accueillir Madame Chapovski.
Dans son bureau, Karine est absorbée devant son écran d'ordinateur. Elle prépare un document destiné à l'équipe, pour aider au recrutement des patients dans le cadre des entretiens d'accompagnement en oncologie et des bilans partagés de médication. Elle le présentera à l'occasion d'une réunion prévue vendredi matin. La réduction des demandes de tests et de vaccination Covid lui permet de relancer ces missions mises de côté depuis plusieurs mois. Pour l'oncologie, elle s'appuiera sur Marion, qui a accepté de suivre une formation dans quelques semaines.
Karine se lève et se dirige vers l'imprimante, près du robot ; se parlant à elle-même, elle dit :
- Ça me semble pas mal du tout. Ah, Marion, tu pourras relire ce document s'il te plaît ? Nous en avions parlé avant tes congés.
Marion feuillette les pages, concentrée.
- Marion, nous ne l'avons pas encore dit mais nous allons réaliser des travaux dans le back-office. Il faut que notre pharmacie soit mieux organisée, en particulier pour que chacun ait son espace de travail. La nouvelle Convention n'est encore pas signée mais il faut anticiper le développement de la pharmacie de service et d'accompagnement. C'est l'avenir, ça ne fait aucun doute, s'enthousiasme la titulaire. Je veux que vous ayez un bureau pour vous, pour travailler plus sereinement. Ohlala, ça va être un gros chambardement mais ça va être excitant !
Karine retourne dans son bureau. Alors qu'elle s'apprête à retourner au comptoir, Marion croise Damien. D'habitude si jovial, le préparateur est sur la réserve :
- Marion, quand tu as décidé de changer de boulot, de quitter l'industrie, tu l'as annoncé comment ?
Les yeux écarquillés, sa collègue le dévisage :
- Ça s'est fait progressivement en fait. Mais pourquoi tu me demandes ça ?
- Pour rien.
- Désolé, on en reparlera plus tard. Madame Chapovski m'attend, reprend Marion en montrant les boîtes de suppositoires à la glycérine dont cette patiente fidèle semble raffoler.
Devant la porte du bureau de Karine et J-C, Damien prend une profonde inspiration puis tape un coup. La titulaire l'invite à entrer.
- Karine, je vais être direct. J'ai une opportunité pour bosser comme conseiller prévention à la MSA. J'ai déjà passé un entretien, et ma candidature est en très bonne voie.
La pharmacienne reste bouche bée. Elle balbutie :
- Mais pourquoi ? Tu aimes pourtant ton boulot, non ?
- Oui, mais la routine m'exaspère. Et je ne me vois pas faire ce même travail à cinquante piges, encore moins à soixante.
Il marque une pause :
- Ce n'est pas une décision contre vous, je me sens bien ici. J'ai des collègues et amis. Mais tu sais bien que mon métier n'a pas d'avenir, si ce n'est faire toujours la même chose. Ça fait déjà vingt ans que je travaille en pharmacie, et je veux voir autre chose. Quitte à me mettre à l'épreuve.
Les yeux de Karine se posent soudain sur le journal du jour. En gros titre, on peut y lire : « Après la pandémie, les reconversions professionnelles explosent ».
(À suivre…)