Marion finalise la dispensation de cannabis médical pour Judith, une patiente atteinte de sclérose en plaques qu'elle accompagne depuis plusieurs mois. À la Pharmacie du Marché, l'adjointe est la référente dans le cadre de cette expérimentation. C'est elle qui a suivi les formations nécessaires et qui, au fil des mois, a pris contact avec les prescripteurs participants pour tisser un réseau indispensable à une bonne prise en charge des patients.
- Vous revoyez le neurologue prochainement ?
- Oui, d'ailleurs, je voulais savoir : vous faites les téléconsultations ? Mon médecin voudrait essayer ce système pour ne pas avoir à me faire déplacer au CHU. Du moins, pour les visites de contrôle où je passe tout au plus dix minutes dans son bureau et 3 heures en taxi, explique la patiente appuyée sur sa béquille.
- Oui, nous avons une salle dédiée. Dès que vous avez la date de rendez-vous, je bloque le créneau. Il faut seulement que je m'assure que nos systèmes de téléconsultation sont compatibles. Je le contacterai…
L'adjointe se retourne vers le jeune stagiaire de sixième année qui fait le piquet depuis quelques minutes :
- Excuse-moi Marion. Je ne me souviens pas ce qu'il faut indiquer sur l'ordonnance quand le médicament coûte plus de 300 euros…
- Tu notes juste « Délivrance sécurisée », puisque c'est un patient qu'on connaît bien.
Théo remercie sa consœur lorsqu'un éclat de voix le fait sursauter.
- Et pourquoi vous ne me donnez pas ? J'ai une ordonnance du médecin. Tu donnes maintenant ou c'est moi qui vais me servir !
L'homme, un grand sec au visage fatigué et aux cheveux en pagaille, se tient face à Christèle, les deux mains posées sur le comptoir.
Alertée, Kenza s'approche de sa collègue. Aussitôt, la préparatrice lui montre l'ordonnance, en pointant du doigt les éléments suspects. En outre, l'homme n'est pas un habitué de la Pharmacie du Marché et n'a pas de carte Vitale. La pharmacienne relève les yeux vers lui et soutient son regard menaçant :
- Pourquoi n'allez-vous pas dans votre pharmacie habituelle ?, demande tranquillement Kenza. Si vous voulez votre médicament, il nous faut votre carte…
- C'est pas parce que t'es dans un fauteuil roulant que je peux pas te casser la gueule. Fais gaffe toi ! , rétorque le patient sur un ton agressif.
- Vous me reparlez encore une fois comme ça et j'appelle la police. Vous l'avez eu comment cette ordonnance ?
Le patient marmonne des insultes puis sort de l'officine sans mot dire, au grand soulagement des autres patients.
Lorsque Karine arrive, Kenza, Christèle et Marion la prennent à partie :
- Un certain Monsieur Zed est passé avec une ordonnance de bupré. Le fameux bonhomme contre lequel Juliette nous a alertés sur le groupe WhatsApp, raconte Christèle.
- Le problème, c'est que les médecins, le docteur Joury en particulier, lui fait régulièrement des ordonnances. On pourrait peut-être parler de ce problème en CPTS ?, suggère Marion.
- Il y a certainement un trafic derrière ça. J'ai l'impression de faire la police !, s'agace Kenza.
(À suivre…)