Le service au patient s’inscrit désormais comme un acte incontournable de la pharmacie. En 2024, nombre de missions ont été introduites ou se sont concrétisées, à commencer par les bilans de prévention aux âges clés de la vie (18-25 ans, 45-50 ans, 60-65 ans, 70-75 ans), totalement pris en charge par l’assurance-maladie, qui en a même fait une campagne de communication. Un entretien de 30 à 45 minutes où le pharmacien aborde les habitudes de vie du patient et participe à la promotion de la vaccination ou au dépistage de maladies chroniques, de la perte d’autonomie, etc. L’entretien se conclut par un plan personnalisé de prévention. Pour tout cela, le pharmacien est rémunéré 30 euros en métropole (31,50 euros dans les départements et régions d’outre-mer). Cette mission ne lui est cependant pas exclusive : les bilans de prévention peuvent aussi être réalisés par les médecins, les infirmiers et les sages-femmes.
Question bilan, l’assurance-maladie a décidé, dans l’avenant conventionnel signé en juin, de promouvoir les BPM (bilans partagés de médication) avec une rémunération simplifiée (à l’acte) et revalorisée (5 à 10 euros supplémentaires, applicables en 2025), et l’octroi d’une ROSP exceptionnelle de 400 euros pour les pharmaciens qui auront mené au moins un entretien en 2024. Les BPM ont également pris un nouveau souffle avec leur inscription dans la convention médicale de 2024 et une incitation financière pour les médecins. Le but avoué de l’assurance-maladie : la déprescription.
Cap sur la vaccination
En matière de prévention, les pharmaciens viennent d’inscrire une nouvelle ligne sur la liste des vaccins qu’ils peuvent prescrire et administrer. En effet, Abrysvo, vaccin contre le VRS recommandé chez les femmes enceintes entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée, a intégré le calendrier vaccinal en octobre, juste à temps pour le lancement de la campagne de prévention des bronchiolites. Les pharmaciens ont aussi obtenu l’inscription dans le marbre de la vaccination Covid-19 et de la formation qui s’y rattache, jusqu’ici toujours considérée comme une mesure d’exception. C’est l’un des derniers textes signés par Geneviève Darrieussecq avant son départ du ministère de la Santé. Mais d’autres vaccinations pourraient venir encore s’ajouter : la profession est toujours en lutte pour que la prescription et l’administration par le pharmacien des vaccins du voyageur soient autorisées.
La mission la plus marquante de cette année restera sûrement la généralisation de la délivrance sans ordonnance des antibiotiques recommandés dans la cystite et dans l’angine, pour les publics cibles, après réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) positif. Après quelques bouchons au démarrage pour accéder à la formation obligatoire, la prescription pharmaceutique d’antibiotiques devient un incontournable puisqu’au 15 octobre, 9 000 pharmacies avaient déjà réalisé une bandelette urinaire et 14 000 officinaux avaient déjà effectué un TROD angine. Pour ce service, les pharmaciens sont rémunérés 10 ou 15 euros selon le parcours du patient, tarif lui aussi revalorisé en 2024. Une question n’est cependant toujours pas tranchée mi-décembre : pour que l’acte soit pris en charge, est-il obligatoire, ou non, de disposer de toilettes pour que le prélèvement d’urine soit effectué au sein même de l’officine ?
Ambitions et mesures imprécises
La prescription pharmaceutique risque de prendre de l’ampleur à l’avenir. L’expérimentation d'un accès direct aux traitements nicotiniques de substitution (TNS) dans les officines devrait démarrer au printemps 2025, a annoncé Geneviève Darrieussecq… avant de tomber avec le gouvernement Barnier. Attendue depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, l’expérimentation passe de ministre en ministre de la Santé sans que les règles ne soient présentées et les trois régions expérimentatrices déterminées. « Depuis plusieurs mois nous travaillons directement et activement avec l’assurance-maladie pour définir les modalités précises de mise en œuvre et d’évolution », avait pourtant affirmé Geneviève Darrieussecq. La chute du gouvernement pourrait encore retarder la mise en place de l’expérimentation. Le pharmacien reste le seul professionnel de santé qui ne peut prescrire des TNS avec prise en charge de l’assurance-maladie.
Lui aussi attendu depuis de longue date (loi Rist 2 du printemps 2023) le renouvellement de traitements chroniques sur la base d’ordonnances périmées porté à 3 mois s’est enfin concrétisé en fin d’année. Et apporte une nouvelle contrainte : que la première délivrance intervienne dans le mois suivant l'expiration de l'ordonnance. La mesure a cependant l’avantage d’intégrer les dispositifs médicaux et reprend les contours des médicaments exclus jusqu’alors, à savoir les médicaments stupéfiants et assimilés stupéfiants, des médicaments psychotropes ou susceptibles d'être utilisés pour leur effet psychoactif dont la durée est limitée, ainsi que des médicaments à conditions spécifiques de renouvellement (isotrétinoïne, clozapine…). Mais la mesure ne semble pas avoir été pensée jusqu’au bout. La question de la durée de validité de l’ordonnance reste en suspens, ainsi que la régularité du renouvellement exceptionnel. « Que veut dire « ordonnance périmée ? », s’interrogeait l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), à la publication du texte, fin novembre. Quid des ordonnances de 12 mois ? » « En effet, dans la mesure où il n’est pas possible de prescrire des médicaments listés pour une durée supérieure à un an, la possibilité de renouveler un traitement pour une durée supplémentaire, pouvant aller jusqu’à trois mois, soulève des interrogations et majore le risque d’indus », se demande la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Interrogée début décembre, l’assurance-maladie – l’organisme payeur qui doit savoir ce qu’il rembourse – renvoie vers le ministère de la Santé. Qui renvoie vers l’assurance-maladie. On tourne en rond.