Associer diagnostics efficaces et antibiotiques innovants

La lutte contre l'antibiorésistance se prépare à Lyon

Publié le 08/09/2022
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Le spécialiste du diagnostic in vitro bioMérieux s’est associé au laboratoire pharmaceutique Boehringer Ingelheim et à la société en sciences de la vie Evotec pour créer une co-entreprise (joint-venture) à Lyon afin de développer la prochaine génération d'antibiotiques ainsi que des solutions de diagnostic efficaces pour lutter contre l'antibiorésistance.
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Conjuguer utilisation du diagnostic et du traitement approprié
Crédit photo : Thera

La résistance aux antibiotiques « tue environ 1,27 million de personnes dans le monde chaque année et on estime que, d'ici à 2050, on pourrait compter 10 millions de décès en raison de l'antibiorésistance, ce qui la rendrait plus mortelle que le cancer », met en garde Michel Pairet, qui dirige l’unité Innovation de Boehringer Ingelheim.

Or, actuellement, les grandes entreprises pharmaceutiques ont largement abandonné le domaine de recherche des antibiotiques, notamment du fait d’un modèle économique qu’elles ne jugent pas rentable. « Le développement d’un nouvel anti-infectieux est risqué, long, coûteux et le retour sur investissement est loin d’être assuré », constate ainsi François Lacoste, directeur exécutif recherche & développement chez bioMérieux.

Il note qu’« actuellement, les principales innovations sont assurées par des start-up, qui ont souvent du mal à franchir le stade du développement préclinique. Il faut trouver de nouveaux anti-infectieux avec de nouveaux modes d’action et développer un modèle économique favorisant l’accès au marché ». Pour lui, il faudrait revoir le modèle économique, actuellement basé sur les volumes de ventes d’antibiotiques. « Il faudrait préserver ces antibiotiques et les considérer comme des « extincteurs », à utiliser le moins possible. Il faudrait en parallèle développer des « détecteurs de fumée », avec des tests diagnostiques capables de déterminer avec certitude si un antibiotique est nécessaire ou non. Il faut arriver à conjuguer utilisation du diagnostic et du traitement approprié, dans les pays en développement et dans les pays développés », estime-t-il.

Agir sur l’agent pathogène et sur la réponse de l’hôte

C’est pourquoi bioMérieux s’est associé à Boehringer Ingelheim et à Evotec pour créer une joint-venture, baptisée Aurobac therapeutics et destinée à créer la prochaine génération d'antibiotiques ainsi que des solutions de diagnostic efficaces pour lutter contre l'antibiorésistance. Aurobac est financée par Boehringer Ingelheim en tant qu'investisseur principal à hauteur de 30 millions d'euros, et par Evotec et bioMérieux à hauteur de 5 millions d'euros chacun, soit 40 millions d'euros au total.

La coentreprise, qui sera basée à Lyon, va bénéficier des compétences de ses trois sociétés fondatrices, chacune dans leur domaine : Evotec pour les maladies infectieuses, Boehringer pour ses capacités de recherche pharmaceutique et de développement clinique et bioMérieux sur le marché du diagnostic des maladies infectieuses.

« L’OMS a listé une dizaine de pathogènes comme cibles prioritaires. Nous allons commencer par travailler par exemple, sur deux pathogènes responsables d’infections graves, souvent multirésistantes : Klebsiella pneumoniae et Acinetobacter baumannii », précise François Lacoste. L’objectif d’Aurobac sera double : agir sur l’agent pathogène et sur la réponse de l’hôte. « D’une part, nous voulons développer de nouvelles classes thérapeutiques avec de nouveaux modes d’actions et développer l’association entre traitement innovant et diagnostic. D’autre part, nous voulons travailler sur la réponse de l’hôte, en restaurant les fonctions immunitaires en particulier en milieu hospitalier chez des patients souffrant d’infection et en situation critique », développe-t-il.

Actuellement, l’équipe de management est en cours de constitution. « L’objectif est que d’ici à la fin de l’année, Aurobac soit opérationnelle au niveau de l’équipe et des locaux, afin de démarrer les projets identifiés », conclut-il.

 

Anne-Gaëlle Moulun

Source : Le Quotidien du Pharmacien