On aura compris que la justice a son mot à dire en politique et qu'elle est capable de mettre en difficulté et même de changer le destin des personnages politiques les plus hauts placés. C'est une bonne chose du point de vue de la démocratie, comme on l'a vu aux États-Unis où les recours de Donald Trump contre le scrutin de l'élection présidentielle ont tous été rejetés par des juges impartiaux. Faut-il penser que le troisième pouvoir demeure invulnérable à toutes les pressions, ou au contraire, craindre que ses verdicts entament la légitimité du suffrage universel ? Dans l'affaire dite des écoutes, qui a valu à M. Sarkozy cette très dure condamnation, la procédure adoptée par le Parquet national financier (longue enquête préliminaire qui a empêché les avocats d'être informés sur le dossier, confidentialité bafouée du dialogue entre l'avocat et son client et violation du secret de l'instruction) a été très contestée, principalement par la droite classique qui garde pour M. Sarkozy toute sa confiance.
Parmi les arguments contre l’ancien président, il y a le fait que, même s'il est réhabilité par la Cour d'appel, le procès laissera une trace que de futures comparutions devant les tribunaux ne feront qu'aggraver. La disparition politique de M. Sarkozy changera-t-elle la face du pays ? On peut en douter car la guérilla permanente qu'il mène contre ses juges et procureurs l'a objectivement affaibli. La question est infiniment plus éthique que politique : il s'agit de savoir si la justice peut confondre un homme contre lequel elle n'a pas réuni des preuves indubitables. Si un ex-président n'est pas au-dessus des lois, il n'est pas non plus au-dessous.
Une force supérieure
Le PNF n'est pas une institution négligeable, même si son ancienne présidente s'est parfois contredite et si les tensions au sein même de la magistrature sont établies. Il a été capable de récupérer des sommes importantes, plusieurs milliards d'euros versés au fisc français par des entreprises qui avaient cherché à payer moins d'impôts. Il n'est ni licite ni louable de faire le procès de la justice, qui est indépendante et doit résister à toutes les pressions. Face aux abus de pouvoir de quelques personnages qui, justement, se croient au-dessus du droit, il faut bien qu'intervienne une force supérieure à laquelle nous sommes tous soumis.
L'exigence morale demande néanmoins que, même si M. Sarkozy finira par être condamné pour avoir dépassé de plus de vingt millions d'euros la limite de ses dépenses de campagne en 2012, il n'est pas question qu'il soit puni pour un délit qu'il n'a pas commis, comme il ne cesse de le répéter, ce qui d'ailleurs crée un malaise national. Il ne faut pas qu'un juge d'instruction aborde l'instruction où est impliqué un homme politique comme s'il s'agissait d'un gamin qui a volé du pain à la boulangerie. Le gouvernement est en train de lancer une réforme de la justice, ce qui semble indispensable. Elle devra non pas faire tomber des têtes ou une institution, mais réviser un certain nombre de procédures, comme la durée de l'enquête préliminaire ou le secret qui lie un avocat à son client. La politique a été judiciarisée par un nombre de dévoiements d'ailleurs limité. La justice doit pour sa part tenir compte du contexte social, politique, humain de chaque affaire qu'elle examine.