Mme Hidalgo est une figure nationale que tous les Français reconnaissent. Elle n'est pas exactement populaire et sa gestion de Paris, ville martyrisée par la pandémie mais pas encore libérée, a déclenché critiques et sarcasmes. Elle a toute la légitimité requise pour se porter candidate à la présidence. Elle domine de sa stature la gauche française. Elle croit, comme tout le monde dans l'opposition, non seulement à son destin mais à l'occasion unique qu'offrent la pandémie et l'affaiblissement du pouvoir macronien à une alternance politique.
Elle semble plus vulnérable que le président actuel aux quolibets, sa cote de popularité personnelle ne dépasse pas les 8 %, là où il en faut au moins 21 pour nourrir un espoir aussi téméraire que le sien. Elle a certes le soutien des socialistes, mais ses relations avec les Verts agités ne sont pas les meilleures du monde, d'autant qu'ils disposent déjà de deux candidats potentiels qui se disputeront lors de la primaire, Yannick Jadot et le maire de Grenoble, Éric Piolle. Son expérience à Paris de sa collaboration étroite avec les écologistes lui a servi d'expérience, laquelle n'est pas exactement positive. Il y a donc bien peu de chances qu'ils fassent d'elle leur femme-lige, même s'ils peuvent le faire après le premier tour et avant le second.
Cependant, il lui faut franchir le cap du premier. Elle a du temps devant elle, mais le temps joue contre elle. Comme nous vivons une période où se succèdent des milliers de logorrhées discutables, voilà que l'une de ses adjoints, Audrey Pulvar, fait une déclaration de type « indigéniste », qui reprend des propos antérieurs, malheureux et consternants, à savoir que, si des groupes de Noirs ou de musulmans « racisés » se réunissent, les blancs compatissants doivent se taire et n'ouvrir la bouche que lorsque les autres leur auront donné la parole.
On ne pense qu'à 2022
Bien entendu, la droite et l'extrême droite se sont ruées sur cette déclaration insolente et pas politiquement correcte. Mais il ne faut pas être LR ou lepéniste pour condamner de tels propos : on peut être de gauche et s'en indigner. L'indignation personnelle de chacun des concitoyens de Mme Hidalgo est en ce moment très sollicitée, même si elle s'exprime sous la forme d'un réflexe de Pavlov. Ce à quoi pensent les deux droites, c'est à 2022. De fait, la classe politique ne pense qu'à ça, convaincue qu'elle est que le Covid finira par avoir la peau de Macron. Mais ce n'est pas sûr et c'est même une démarche malhonnête car, quoi qu'on pense de la gestion du pays par Macron, aucun de ses détracteurs ne peut prouver qu'il aurait mieux fait que lui. D'où sa popularité qui se situe à 40 %, score deux fois supérieur à ceux de Sarkozy et Hollande avant l'élection présidentielle.
Ce qui est éminemment surprenant, c'est le mal moral que la pandémie a fait au pays. Le gouvernement a certes été contraint de prendre chronologiquement diverses décisions qui devaient ménager à la fois la santé des Français et leur niveau de vie. D'une certaine manière, il y est parvenu. Mais la gratitude n'est pas de ce monde. Même les médecins ont rejoint la partie, exagérant souvent leur évaluation sinistre, et parfois émettant des opinions conformes à celle du Conseil scientifique qui, rappelons-le, s'est dressé contre le président en janvier dernier parce qu'il ne voulait pas confiner. Ajoutez à cela les hurlements de Mélenchon qui, un peu comme Trump, a toujours une solution alternative et se fait le VRP du vaccin russe, sans compter les imprécations d'une foule de politiciens parfaitement incompétents car ils ne sont pas aux affaires.
Bien entendu, il est dans l'ordre des choses que l'opposition s'oppose. Mais ce à quoi nous assistons, c'est une terrible collision entre la pandémie, qui nécessite que tout le monde garde son calme, et l'élection présidentielle qui autorise tous les débordements. On a même judiciarisé des dirigeants à cause du Covid, ce qui est absurde parce que, dans ce cas, il faudrait sanctionner tous ceux qui n'ont pas empêché la pandémie et n'ont prodigué ni traitement ni vaccin. Le Covid nous aura coûté très cher et, dans le passif, il faudra bien inclure l'esprit d'exagération, d'intimidation et de condamnation.