Le Français est réputé pragmatique. Proximité, compétences des pharmaciens et prix jouent un rôle prépondérant dans le choix de son officine, d’après Harold Caignaert, directeur commercial & enseigne chez Giropharm, « mais il ne faut pas oublier l’expérience client », ajoute-t-il.
Au service de l’expérience client
Si les critères cités précédemment sont effectivement importants, « c’est bien l’expérience client qui est un catalyseur et fera revenir ou non un client ». Et toujours selon Harold Caignaert, celle-ci peut être portée par l’enseigne, qui « fait office de repère pour les patients/consommateurs. Le positionnement du groupement dans l’approche visuelle est donc primordial, car c’est une promesse faite aux consommateurs. »
Notre interlocuteur est catégorique : « Chaque pharmacie doit travailler son identité visuelle en fonction de son positionnement, c’est primordial. Même si les choses avancent un peu, l’officine a des années de retard sur la grande distribution et commence à peine à entériner certains codes qui sont pourtant le b.a.-ba du marketing. » Par exemple, Pharmonaturel présente son logo, la traditionnelle croix verte frappée d’une plante, sur ses officines membres. Une croix qui rappelle l’origine végétale de nombreux médicaments. À l’intérieur, les officines du réseau se démarquent souvent par des notes boisées et un univers apaisant et aéré. Simples et efficaces, ces codes sont en adéquation avec les solutions et services de santé naturelle que prodiguent les pharmacies du réseau.
Tendance à l’épure
Autre tendance qui se dégage ces temps-ci : la transparence des vitrines sur le mode des opticiens. « Aujourd’hui, le consommateur veut voir ce qui se passe à l’intérieur. Cette tendance arrive enfin en pharmacie. Dès l’extérieur, il faut attirer le patient et lui donner envie de rentrer », indique le directeur commercial & enseigne de Giropharm.
Ce serait la fin de la vitrine à usage purement commercial ? Pas du tout. Il s’agit plutôt d’une question d’agencement, afin d’éviter, par exemple, la classique avalanche de panneaux promotionnels qui obstruent totalement la vue. « Beaucoup conservent la vitrine à des fins purement publicitaires. Chez Giropharm, nous jouons sur cette transparence, mais sans en faire trop. Nous utilisons toujours la vitrine comme support, afin d’afficher des campagnes de santé par exemple », détaille Harold Caignaert.
Cette transparence implique une certaine continuité entre épure de la vitrine et aménagement des espaces intérieurs et des points de vente. Et là encore, sur ce point, l’office aurait des progrès à faire, d’après Harold Caignaert.
Penser et réussir un univers visuel épuré implique également de résoudre un dilemme quasi cornélien : il faut libérer de l’espace dans les couloirs de circulation et donc accepter de vendre moins de références pour mieux les présenter. Il s’agit avant tout de mieux « répartir l’espace dans les linéaires, en fonction des parts de marché des produits », précise Harold Caignaert. Le leader doit être en première ligne, quand la petite référence n’a pas forcément sa place en linéaire et sera plutôt reléguée dans les tiroirs ou derrière le comptoir. « Ce sont des références confidentielles, généralement demandées par des clients qui savent ce qu’ils veulent. »
Autre point important censé améliorer l’expérience client : la signalétique. « Ce n’est pas toujours évident de se repérer en pharmacie. Les linéaires sont remplis de milliers de boîtes qui se ressemblent, disposées dans un espace mal balisé. » Il est donc impératif de travailler le balisage des univers pour donner plus d’autonomie aux consommateurs et leur faciliter la tâche dans leurs recherches, afin « qu’ils quittent leur pharmacie sur une expérience positive » – comprendre une bonne expérience client.
Un avis que partage Laurent Filoche, président fondateur de Pharmacorp. « Les officines intégrées dans une logique de groupement auront une discipline plus forte sur ce point, car les enseignes régulent généralement l’organisation des espaces de vente, afin d’assurer plus de clarté ». Ce dernier va même jusqu’à avancer que les officines qui perdurent sont celles portées par les groupements et astreintes à cette discipline. Un chantier difficile à faire accepter aux pharmaciens, « car ils sont indépendants et souhaitent avoir leur mot à dire », reconnaît-il.
Le digital à la rescousse
Le digital a, lui aussi, une partition à jouer dans cette approche visuelle épurée. Harold Caignaert en veut pour exemple les écrans digitaux qui, en plus de dépoussiérer les vitrines et les espaces intérieurs, sont « très attractifs, attirent l’œil et permettent de diffuser plusieurs messages sur diverses thématiques à la suite, [et ce sans] encombrer la vitrine ». Le digital en pharmacie facilite également le partage d’offres disponibles, et donc de « démarcher efficacement le consommateur tout en l’occupant pendant l’attente », note Harold Caignaert.
Plus récents et encore peu connus, les linéaires digitaux s’immiscent peu à peu dans l’univers de l’officine. Ils se présentent comme des écrans tactiles en lieu et place des linéaires OTC. Il suffit d’appuyer sur le produit souhaité, et un robot disposé à l’arrière du linéaire s’occupe de livrer la commande. Les avantages de ces technologies sont multiples. En plus de conférer à l’officine une ambiance visuelle résolument moderne encore une fois, « vous n’aurez jamais de trous dans vos rayons, les facing seront impeccables et les linéaires ne seront pas encombrés. Certains de ces automates embarquent même une gestion automatisée des stocks, vont servir à diffuser des promotions, ou encore à interagir avec le client », énumère Harold Caignaert. Petit bémol toutefois : si les groupements passent généralement des accords avec les fabricants – c’est le cas de Giropharm –, le coût d’acquisition d’une seule machine pour les adhérents s’élève tout de même à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Reste que l’identité visuelle est subjective. L’effet qu’elle aura sur les clients dépendra de la sensibilité de chacun. Les solutions digitales laissent, par exemple, Laurent Filoche plutôt sceptique : « Je ne suis pas convaincu de l’efficacité du concept phygital (combinaison de physique et de digital, N.D.L.R.). Lorsque les gens se déplacent dans un point de vente physique, ils ont besoin d’être au contact du produit. »
Laurent Filoche n’est pas plus enthousiaste en ce qui concerne les écrans digitaux. « Ils permettent effectivement de créer des boucles, qui mettent en avant les promotions et présentent les différents produits des pharmacies, qui sont nombreux. Mais je ne suis pas sûr qu’ils deviennent un modèle. Dans d’autres secteurs de distribution spécialisés, comme la Fnac, ils ont été supprimés… » Selon lui, ces supports répondent avant tout à des considérations marketing qui tendent naturellement à l’innovation. De là à dire qu’ils créent du trafic supplémentaire en pharmacie, Laurent Filoche ne s’y risque pas.
Quelle liberté pour les officines dans un groupement ?
Pourtant, force est de constater que le monde se digitalise et l’officine ne fait pas exception. Preuve en est, la démocratisation de la vente en ligne. Dès lors, l’identité visuelle se travaille aussi sur une autre vitrine, celle d’internet. « En tant que groupement, nous mettons à disposition notre image. Nous faisons du clés en main pour nos pharmacies », indique Laurent Filoche. Une manière de faciliter la tâche de leurs partenaires, tout en s’assurant de l’ergonomie d’un site et de ses qualités esthétiques. Car c’est un fait : un site mieux construit et à l’identité visuelle travaillée sera plus visité.
Un point qui pose une ultime question : celle de la liberté accordée à une officine membre d’un groupement, lorsqu’il s’agit de développer son identité visuelle. S’il n’y a pas de règle unique, « les pharmacies doivent répondre à certains codes propres au groupement auquel elles appartiennent. Dans les officines Giropharm, vous trouverez des rappels discrets comme notre slogan ou notre logo », explique Harold.
Laurent Filoche abonde dans ce sens : « Le propre de l’enseigne est d’avoir une identité commune dans tous ses points de vente. Cela va du covering extérieur aux couleurs de l’enseigne, jusqu’aux blouses du personnel, à la couleur du sol, la signalétique, etc. S’il n’y a pas d’uniformisation, et bien le concept même d’enseigne est faible. » Paradoxalement, Laurent Filoche estime que les groupements demeurent inconnus du grand public. De quoi relativiser la supposée portée d’une identité visuelle commune à chaque pharmacie d’un même groupement. Ainsi, malgré ces nouvelles tendances et outils mis au service d’une identité visuelle censée sublimer l’expérience client, le résultat final passera, quoi qu’il arrive, par le miroir déformant de la subjectivité.