Journées pharmaceutiques internationales de Paris

Grossesse : les médicaments et les vaccins autorisés et ceux à proscrire

Publié le 08/12/2022
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Entretiens destinés à sensibiliser la femme enceinte au risque tératogène et à la vaccination antigrippale, et possibilité d’administrer des vaccins prescrits, puis, en 2023, de les prescrire : deux raisons pour le pharmacien de rafraîchir ses connaissances…
Des liaisons potentiellement dangereuses

Des liaisons potentiellement dangereuses
Crédit photo : Voisin/Phanie

Les femmes enceintes, ou désireuses de l’être, étant très demandeuses de messages de prévention, c’est une bonne occasion de parler avec elles des vaccins les plus importants au cours de la grossesse, en distinguant ceux à faire impérativement en préconceptionnel et ceux vivement conseillés durant la grossesse, conseille le Dr Olivia Anselem, gynécologue au groupe hospitalier Cochin Broca Hôtel-Dieu (Paris).

Avant la conception, le vaccin contre la rougeole - en recrudescence depuis 2017, due précisément à une diminution du nombre de vaccinations - est impératif. La rougeole expose en effet à de nombreux risques pour la mère (fausse couche, accouchement prématuré surtout) comme pour l’enfant : petit poids et surtout rougeole congénitale, cause de graves complications neurologiques. On ne peut pas faire ce vaccin en cours de grossesse car il s'agit d’un vaccin vivant. En l’absence d’immunisation, le vaccin vivant contre la rubéole s’impose également pour protéger le fœtus contre des risques différents selon le moment de l’infection, le plus dangereux étant le syndrome de rubéole congénitale, responsable de cataracte, rétinopathie, surdité, problèmes neurologiques. Tout aussi indispensable avant la mise en route d’une grossesse, le vaccin contre la varicelle protège la femme enceinte du risque de pneumopathie, surtout en cas de tabagisme et d’infection au 3e trimestre, mais aussi le fœtus avant 20 semaines d’aménorrhée. Bien que rare, la varicelle congénitale est dangereuse : retard de croissance intra-utérin, cicatrices, anomalies neurologiques.

Conseiller les vaccins (antigrippal et Covid)

Trois autres vaccins sont vivement recommandés, cette fois pendant la grossesse : grippe, coqueluche et Covid-19 dont les risques sont sous-estimés. Pourtant, la grippe multiplie par 4 les hospitalisations de la femme enceinte, et 4 à 13 % des décès dus à la grippe concernent la femme enceinte. Autres arguments : la réponse immunitaire est aussi bonne chez la femme enceinte ; la sécurité d’emploi de ce vaccin inactivé est largement prouvée ; et l’enfant est encore protégé par les anticorps maternels plusieurs mois après sa naissance. « Aujourd’hui, en France, seulement 30 % des femmes enceintes se font vacciner, un chiffre très inférieur à celui d’autres pays (42 % en Angleterre, 61 % aux États-Unis) », déplore la gynécologue.

Le vaccin coquelucheux - à partir du 2e trimestre de grossesse, pour chacune des grossesses - permet aussi de protéger le bébé dès sa naissance en attendant la vaccination du nourrisson. Mais, là encore, la France est en retard. Idem pour la vaccination anti-Covid 19 dont une grande étude a montré récemment qu’elle diminuait de 15 % la mort fœtale in utero. « La vaccination en officine devrait changer la donne, espère-t-elle. La relation de confiance qui se noue avec le pharmacien joue un rôle majeur, bien supérieur à celui des campagnes d’information… »

Aspirine : oui à faible dosage

Autre point à surveiller : les médicaments pris pendant la grossesse. Certains sont formellement contre-indiqués, d’autres que l’on peut croire interdits sont autorisés. L’exposé clair du Dr Olivia Anselem devrait aider le pharmacien au comptoir ou au cours de l’entretien qu’il peut désormais proposer aux femmes enceintes. À proscrire impérativement : antivitamines K, dérivés de l’acide rétinoïque, acide valproïque (11 % des malformations du nouveau-né), carbamazépine et topiramate, IEC et sartans, cyclines au 3e trimestre et AINS (par voie générale ou locale) au-delà de 24 semaines d’aménorrhée. Y compris l’aspirine au-dessus de plus ou moins 500 mg, même une seule prise, à cause du risque majeur de néphrotoxicité, de fermeture du canal artériel et de problèmes cardiaques. À moins de 24 semaines, une prise ponctuelle est néanmoins possible.

« À dose anti-agrégante, en revanche, l’aspirine peut être utilisée, quel que soit le terme de la grossesse. Elle est du reste couramment prescrite en prévention de la pré-éclampsie. Pourtant, le logo « interdit aux femmes enceintes » figure sur les boîtes d’aspirine à faible dosage, ce qui, souvent, perturbe les futures mères », regrette-t-elle. D’où son conseil aux pharmaciens : « prenez le temps d’expliquer la prescription aux femmes concernées ».

D’autres médicaments n’ayant pas d’effets délétères au cours de la grossesse - et fréquemment utilisés en obstétrique - inquiètent à tort : antidiurétiques oraux, corticoïdes, labétalol, IRS et anxiolytiques, morphiniques (dont la codéine), héparines de bas poids moléculaire, triptans et lamotrigine. Tous ces médicaments peuvent être dispensés sans restriction aucune. Il faut toutefois savoir qu’une prise de codéine en fin de grossesse, pour une toux ou un rhume par exemple, nécessite une surveillance du nouveau-né.

 

* 73es JPIP consacrées à la santé de la femme : actualités 2022 et accompagnement par le pharmacien.

Evelyne Gogien
En complément

Source : Le Quotidien du Pharmacien