Le Quotidien du pharmacien.- Les débats qui concernent le numérique s’avèrent souvent très polarisés et houleux. Est-ce aussi le cas en santé mentale autour des DTx ?
Gaëtan Absil.- On retrouve l’opposition classique entre technophiles et technophobes. Les premiers, qui ne voient pas comment les nouvelles technologies pourraient faire du mal, s’avèrent dominants dans un contexte marqué par une forte volonté politique de numériser la société, y compris la santé – notamment avec les DTx. Les seconds, plus méfiants, sont souvent pointés comme réfractaires au progrès. Et les citoyens non experts qui souhaitent s’exprimer se voient la plupart du temps opposer leur absence de qualification.
Quels arguments peuvent défendre les DTx en psychiatrie ?
Les DTx constituent une possibilité supplémentaire d’interventions, qui pourrait limiter ou améliorer l’emploi de certains médicaments. Il semble évident que certains patients pourraient en bénéficier plus particulièrement, à l’instar des individus distraits par leur pathologie, qui peinent à suivre leur traitement – qui pourraient recevoir des rappels de prise très personnalisés grâce aux DTx. Ou de ceux qui souffrent d’anxiété sociale – potentiellement plus à l’aise avec une machine que face à un être humain lors de certaines prises en charge.
Quels risques peuvent inspirer une méfiance à l’égard des DTx ?
D’abord, les DTx ne permettront pas de régler tous les problèmes. Par exemple, elles ne réduiront pas toutes les inégalités d’accès aux soins du fait de la fracture numérique qui persiste dans la population. Et pour le moment, les DTx restent surtout fondées sur des approches très protocolisées comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), et ne peuvent proposer que de petits exercices – adaptés seulement à certains patients atteints de troubles légers. Si dans le futur, les DTx pourraient devenir plus autonomes, et habiter davantage l’environnement de leurs utilisateurs, ces évolutions pourraient amener des risques plus profonds : contrôle et normalisation à l’excès des comportements, réduction de la santé mentale à quelques paramètres biomédicaux, etc. En outre les DTx présentent un impact carbone non nul, un risque de privatisation, etc.
Comment dépasser l’opposition binaire entre « pour » et « contre » ?
Afin de ne pas tout accepter, ni tout rejeter, il faut armer professionnels et patients pour une posture technocritique – permettant de réaliser des choix éclairés. Pour ce faire, une meilleure formation au numérique est requise. Des grilles d’évaluation des DTx pourraient être développées dans un vocabulaire peu technique, et des consultations citoyennes organisées.