Le Quotidien du pharmacien.- La frontière entre beauté et santé va-t-elle de soi ?
Céline Couteau.- Non, ces domaines sont longtemps restés extrêmement confondus. En témoigne le cérat de Galien, mélange antique d’huiles parfumées et d’eaux florales qui a pu servir d’excipient pour médicament comme de base pour rouge à lèvres. Citons aussi le khôl, poudre foncée appliquée au ras des cils au moyen d’un bâtonnet plongé dans de l’eau florale dans l’Égypte ancienne pour des fonctions esthétiques mais aussi antiseptiques. À noter que les échanges se font globalement du secteur de la santé vers celui de la beauté. En particulier, depuis sa constitution au XIXe siècle, l’industrie cosmétique a toujours laissé traîner ses oreilles du côté de l’industrie du médicament. D’où des repositionnements tels que celui du DHA – initialement développé comme traitement du diabète, devenu autobronzant.
Quand la distinction entre médicaments et produits cosmétiques s’est-elle creusée ?
Un objectif d’efficacité au détriment des risques pour la santé a longtemps perduré. Si bien que des cosmétiques dangereux tels que la céruse ont été utilisés jusqu’au XXe siècle. Pour que le regard sur les cosmétiques change, il a fallu attendre l’avènement de la toxicologie, le scandale du talc Morhange (surdosé en hexachlorophène et ayant conduit à des décès de nourrissons) et finalement, en 1975, la loi Veil – première réglementation rapidement reprise dans toute l’Europe édictant le principe selon lequel un cosmétique doit avant tout ne pas nuire à la santé humaine. Ainsi, les cosmétiques ont aujourd’hui des objectifs très restreints : nettoyer, protéger ou modifier l’aspect de la peau et des muqueuses.
La sécurité des cosmétiques compte-t-elle toujours autant ?
Après un électrochoc initial, l’impact de la loi Veil a évolué par vagues. Aujourd’hui, la volonté d’afficher davantage d’efficacité revient. Les marques de luxe, surtout, présentent leurs produits comme révolutionnaires via des publicités convoquant des images scientifiques et médicales. Par exemple, des crèmes anti-âge à l’acide hyaluronique sont représentées accolées à des seringues. De plus, de réelles dérives émergent, avec des produits qui outrepassent la définition des cosmétiques avec des allégations thérapeutiques : baumes présentés comme agissant sur des troubles respiratoires, concept de neuro-cosmétique, etc.
Comment se positionner en tant que pharmacien ?
Il ne s’agit pas de renoncer à la vente de cosmétiques. Mais certains ne doivent pas passer la porte de l’officine : mieux vaut se centrer sur un petit nombre de références, à bien connaître. Mais cela nécessite de se former. Or à Nantes, le module de dermocosmétique intéresse trop peu d’étudiants du parcours officine.
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