Il y a des maladies qu’on croirait oubliées à jamais. Parce que la recherche médicale avance, parce que nos habitudes ont changé, ou, dit autrement, parce que le rouleau compresseur du progrès a gagné. Ainsi en va-t-il de la poliomyélite, la rage, la peste… ou du scorbut. Pour les premières, on sait que les victoires sanitaires sont fragiles et que les résurgences ne sont plus rares. Quant au scorbut, cette sournoise carence en vitamine C, il semblait définitivement appartenir à l’histoire de quelques marins édentés parce que privés de fruits. Mais il n’en est rien ! Les résultats d’une étude récemment parue dans The Lancet (menée par l’AP-HP, l’Inserm, l’université de Paris-Cité et le service pédiatrie de l’hôpital de Cayenne en Guyane) montrent même que depuis la crise du Covid, la maladie refait surface, au cœur même de l’Hexagone. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont recensé le nombre d’enfants hospitalisés pour scorbut entre 2020 et 2023. Leur postulat de départ ? « La pandémie de Covid-19 a eu un impact psychologique et socio-économique majeur et a creusé les inégalités sociales (…). On craint de plus en plus que les défis socio-économiques posés par la pandémie aient augmenté le coût des aliments, limitant l'accès à des aliments frais et variés et conduisant potentiellement à une augmentation des taux de scorbut et de malnutrition. » Et leurs résultats confirment l’hypothèse, puisque le nombre d’enfants hospitalisés pour scorbut entre 2020 et 2023 a augmenté d’un tiers. Plus encore, parmi les enfants hospitalisés pour scorbut, les auteurs ont constaté une part significative du pourcentage d'enfants dont les parents étaient couverts par la CMU (Couverture Maladie Universelle), donc plus susceptibles de souffrir de précarité et des effets de l’inflation… Au total, concluent les chercheurs, « assurer une nutrition adéquate à tous les enfants est essentiel pour prévenir la résurgence de maladies évitables comme le scorbut ». Le retour d’une maladie est sans doute multifactoriel, mais on ne pourra plus négliger le critère socio-économique…
* Le scorbut est de retour.
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