Et si la vaccination pouvait se faire par simple application cutanée plutôt que par injection ? C’est la perspective qu’ouvre une étude publiée ce 17 septembre 2025 dans Cell Reports, à partir d’une meilleure compréhension des effets physiologiques d’un stress mécanique causé par un étirement transitoire de la peau. Si le mécanisme de défense immunitaire lors d’une blessure est connu, la réaction de la peau à un frottement l’est beaucoup moins. Une équipe de chercheurs coordonnée par Élodie Segura, directrice de recherche Inserm, au sein du laboratoire Immunité et cancer (Inserm/Institut Curie) et par Stuart Jones, directeur du Centre for Pharmaceutical Medicine Research (King’s College London) s’est donc intéressée à la façon dont un massage pouvait affecter l’immunité et l’imperméabilité protectrice de la peau, chez l’animal et chez l’humain.
Les follicules pileux, une porte d’entrée
Pour leurs travaux, les scientifiques ont utilisé un outil permettant d’étirer la peau de façon à mimer, durant 20 minutes et sans induire de lésion, un massage appliquant sur la peau une tension similaire à celle d’un massage thérapeutique ou à l’application d’une crème. Ils ont ensuite comparé chez la souris et chez des volontaires humains, plusieurs paramètres mécaniques, microbiologiques et physiologiques de la peau avec et sans massage. Première observation : si le massage n’entame pas l’intégrité de l’épiderme, il rend la peau temporairement perméable aux macromolécules tant chez les humains que chez les animaux. Cette perméabilité semble liée à une ouverture des follicules pileux, qui, favorisée par le massage, permettait aux macromolécules en surface de pénétrer dans le tissu cutané. Chez les rongeurs, les chercheurs ont également observé que cette ouverture des follicules pileux laisse aussi passer des composés dérivés des bactéries présentes à la surface de la peau (le microbiote cutané). Ce phénomène déclenchait alors une réponse immunitaire (que les scientifiques ont observée par analyse transcriptomique) entraînant notamment une réaction inflammatoire locale et l’initiation de la réponse immunitaire adaptative. « Ces résultats suggèrent que le stress mécanique agit comme un signal de danger au sein de la peau, indique Élodie Segura dans un communiqué de l’Inserm. L’entrée dans la peau de composés du microbiote favorisée par l’étirement pourrait ainsi alerter le système immunitaire local sur la perte d’imperméabilité de la barrière cutanée et l’activer pour répondre au potentiel danger. »
Vers une vaccination non invasive ?
Forte de ces observations, l’équipe s’est intéressée à la possibilité d’exploiter ces propriétés pour développer une technique de vaccination non invasive par application cutanée. Elle a prodigué par massage un vaccin contre la grippe (H1N1) sur la peau de souris, et comparé la réaction immunitaire à celle produite en réaction à une injection intra-musculaire classique de ce vaccin. La réaction immunitaire semblait plus forte lorsque le vaccin était administré via étirement cutané, que lorsqu’il l’était par injection, y compris, sans adjuvant. « Des tests chez l’humain doivent être réalisés pour confirmer ces résultats observés chez la souris, car il existe des différences bien connues entre les peaux de nos deux espèces, précise Élodie Segura. Il nous faudra également comprendre comment chaque type de cellules cutanées réagit spécifiquement face au stress mécanique et quels sont précisément les produits du microbiote qui stimulent la réponse inflammatoire. Maîtriser ces processus chez l’humain pourrait ainsi permettre de développer des méthodes de vaccination ou d’administration de médicaments sans aiguille et non invasives », commente la chercheuse.
La réaction immunitaire semblait plus forte lorsque le vaccin était administré via étirement cutané, que lorsqu’il l’était par injection, y compris, sans adjuvant
Ces résultats pourraient aussi avoir d’importantes implications d’un point de vue toxicologique. Ils suggèrent en effet que les frottements ou le massage de la peau pourraient favoriser la pénétration dans l’organisme de molécules nocives (polluants ou allergènes présents sur la peau ou dans des crèmes à application cutanée) et stimuler des réponses immunitaires non désirées (inflammatoires ou allergiques). Or à ce jour, les évaluations des risques chimiques d’un produit n’incluent pas la possibilité qu’une macromolécule puisse entrer dans la peau. Des études complémentaires pourraient donc s’intéresser aux liens entre stress mécanique et sensibilisation aux allergènes.
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