Le réseau de surveillance de la circulation du Sars-CoV-2 dans les eaux usées, Sum’Eau, pourrait être étendu à d’autres pathogènes, annoncent Santé publique France (SPF) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Alors que les données du réseau sur le Sars-CoV-2 alimentent depuis la saison hivernale 2023-2024 la surveillance intégrée des infections respiratoires aiguës de SPF, les virus de la grippe et de la bronchiolite pourraient bientôt être ajoutés aux pathogènes suivis.
Le réseau Sum’Eau est né à la suite d’une initiative de chercheurs issus de 10 institutions* qui ont, dès le début de la pandémie de Covid en 2020, commencé à collecter les données des stations d’épuration pour suivre la circulation du Sars-CoV-2. Leurs travaux aboutissent à une première publication en avril 2020 dans Eurosurveillance. Les chercheurs y établissent une corrélation entre les quantités de Sars-CoV-2 détectés dans les eaux usées d'une station d'épuration et les taux d'incidence de Covid-19 dans la région du Grand Paris.
Désormais 54 stations d’épuration intégrées au réseau
Structurant leur approche au sein d’un consortium baptisé Obépine (qui deviendra le Groupement d'intérêt scientifique Obépine en octobre 2021), leur initiative attire l’attention des autorités sanitaires qui ont rapidement l’ambition de généraliser le dispositif. Mais le passage de relais entre Obépine et ce qui deviendra le réseau Sum’Eau, coordonné par SPF et l’Anses, ne se réalise pas sans mal.
L’augmentation de la détection du Sars-CoV-2 dans les eaux usées peut précéder de plusieurs jours l’augmentation des consultations aux urgences pour Covid
Christophe Cordevant, conseiller scientifique à l’Anses
Aujourd’hui, le réseau est installé. Une étude publiée en janvier dans Microorganisms détaille les étapes de déploiement du dispositif. De 12 stations d’épuration au départ, Sum’Eau a depuis février 2024 été étendu à 54 stations sur tout le territoire hexagonal pour « améliorer le taux de couverture », rappellent les deux agences dans un communiqué. Depuis le début de la surveillance, « sept pics de circulation du virus ont été enregistrés en France », indiquent-elles.
« L’augmentation de la détection du Sars-CoV-2 dans les eaux usées peut précéder de plusieurs jours l’augmentation des consultations aux urgences pour Covid, explique Christophe Cordevant, conseiller scientifique Microbiologie et maladies infectieuses émergentes à l’Anses. La détection du virus dans les eaux usées permet donc d’anticiper les vagues épidémiques et de mobiliser le matériel et le personnel nécessaires. Elle permet surtout de suivre les personnes porteuses du virus qui ne consultent pas de médecin. »
Le « succès » de cette surveillance permet aux agences d’envisager aujourd’hui le suivi d’autres pathogènes. La grippe et le virus syncytial respiratoire (VRS) pourraient ainsi être intégrés de manière pérenne au dispositif. Une méthode innovante a même été développée pour la surveillance de la rougeole, sans qu’un suivi en routine ne soit envisagé « compte tenu de la faible fréquence actuelle de la rougeole à l’échelle nationale ».
La surveillance de la rougeole repose sur la PCR digitale qui permet « de détecter le virus dans les eaux usées même lorsque sa concentration est faible et de distinguer les virus sauvages de ceux atténués, qui peuvent être excrétés dans les urines suite à une vaccination », est-il expliqué. L’approche pourrait permettre la détection d’une faible circulation dans une zone à risque ou de suivre les tendances lors d’une vague épidémique, poursuivent les agences.
Une dimension européenne
La surveillance des eaux usées prend une dimension européenne. En novembre 2024, un essai inter-laboratoire a été mené à l’échelle européenne pour tester les capacités de détection de différents laboratoires nationaux de référence. L’Anses et SPF sont aussi membres du consortium européen EU-Wish (pour Wastewater Integrated Surveillance for Public Health), lancé en novembre 2023 avec le triple objectif d’améliorer les capacités de surveillance, d’harmoniser les pratiques de détection et de définir de nouvelles cibles d’analyse communes. Les enseignements serviront à préparer l’intégration des indicateurs au niveau européen via le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
*CNRS, Eau de Paris, École pratique des hautes études (EPHE), Ifremer, Inserm, Institut des recherches biomédicales de l’Armée (Irba), Sorbonne Université, Université Clermont Auvergne, Université de Lorraine et Université de Paris.
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