Malgré le contexte d’épidémie majeure sur l’île de La Réunion, la campagne de vaccination lancée le 7 avril dernier n’a pas rencontré le succès escompté et il devrait en être de même à Mayotte. En effet, environ 5 300 doses de vaccin Ixchiq ont été administrées à La Réunion, pour l'essentiel avant la restriction de la campagne de vaccination aux personnes de 18 à 64 ans fin avril, selon les données communiquées par l’ARS du territoire. Dans le détail, 75 % de ces doses ont été injectées à des personnes âgées de 65 ans ou plus, et 25 % au reste de la population, principalement via les pharmacies, qui ont été autorisées à injecter le vaccin, sur présentation d’une ordonnance.
Mais depuis fin avril, c’est-à-dire depuis que la campagne a été suspendue pour les 65 ans et plus, la vaccination est quasi inexistante : « Seules quelques dizaines de doses ont été administrées depuis les restrictions de la campagne », reconnaît Émilie Mosnier, infectiologue au CHU de l’île, lors d’une conférence de l’agence de recherche ANRS-Maladies infectieuses émergentes. Au final, il reste donc près de 35 000 doses inutilisées sur les 40 000 doses que le Laboratoire Valneva a livrées à l’ARS de La Réunion. Heureusement, une seconde commande de 50 000 doses a pu être annulée. On peut toutefois s’inquiéter du devenir de ces 35 000 doses, sachant que le vaccin peut se conserver jusqu’à deux ans.
Vaccination en berne à Mayotte aussi
« Peu de personnes ont été vaccinées à la Réunion, reconnait donc Émilie Mosnier, et le même phénomène pourrait se reproduire à Mayotte », également touchée par une épidémie plus récente. Le territoire est en phase épidémique depuis fin mai, avec 746 cas confirmés (dont 19 hospitalisations et aucun décès à ce jour), un chiffre probablement sous-estimé. À Mayotte aussi, le rythme de vaccination reste très bas : selon Hassani Youssouf, épidémiologiste à Santé publique France, une dizaine de doses sont administrées chaque semaine.
Rappelons que la campagne de vaccination a débuté le 7 avril à La Réunion face à une épidémie majeure de chikungunya, avec une vingtaine de morts et environ 200 000 personnes touchées à ce stade. La priorité avait initialement été donnée aux personnes âgées de 65 ans et plus, notamment en cas de comorbidités. Depuis le 26 avril, seules les personnes de 18 à 64 ans atteintes de pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques ou neurovasculaires) peuvent se faire vacciner.
Cette restriction s’explique par la survenue de 16 effets secondaires graves, tous chez des personnes d’au moins 62 ans, dont trois décès. Un cas de décès a été jugé lié à la vaccination : un octogénaire ayant développé une encéphalite. Les principaux effets indésirables graves rapportés évoquent des symptômes similaires à ceux d’une forme grave d’infection due au virus du chikungunya (syndrome chikungunya like), sans que l’on en connaisse la raison exacte. Ces incidents ont fortement affecté le taux de vaccination, sachant que la population la plus à risque de forme grave de chikungunya (à savoir les 65 ans et plus avec comorbidité) a dû être exclue de la campagne. De plus, l’acceptabilité de la vaccination a beaucoup souffert de ces événements. Enfin, troisième facteur, la population se vaccine moins car l’épidémie commence à ralentir.
Un vaccin plus sûr contre le chikungunya ?
Un second vaccin, Vimkunya (Bavarian Nordic), non vivant et basé sur des pseudo-particules virales, pourrait constituer une alternative plus sûre, notamment pour les personnes immunodéprimées ou âgées. Ce vaccin n'étant pas vivant, il n'est en effet pas associé à un risque de maladie vaccinale. Il a été autorisé dans l'Union européenne le 28 février 2025, mais il n’est pas encore commercialisé en France. Rappelons que Ixchiq (Valneva), lui, est un vaccin vivant atténué qui s’administre en une dose, commercialisé depuis le 18 novembre 2024 et qui a fait l’objet de recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS).
Autoriser Vimkunya pourrait-il présenter un intérêt pour la campagne de vaccination actuelle contre le chikungunya ou dans l’hypothèse où il deviendrait nécessaire d’organiser une nouvelle campagne de vaccination ? Ce vaccin non vivant pourrait-il s’administrer aux personnes de 65 ans et plus ? Si ces questions se posent aujourd’hui, elles ne trouveront pas de réponse dans l’immédiat. En effet, la Haute Autorité de santé (HAS) s’est déclarée dans l’incapacité d’émettre une recommandation concernant Vimkunya, dans un avis rendu le 6 juin.
Avant de pouvoir se prononcer sur ce nouveau traitement, l’instance veut attendre « les résultats des investigations en cours sur les causes des événements indésirables graves survenus avec le vaccin Ixchiq », mais aussi « d’éventuelles données complémentaires d’efficacité et de sécurité du vaccin Vimkunya, obtenues notamment chez les personnes âgées de plus de 65 ans et les femmes enceintes ». La HAS rappelle que le vaccin de Bavarian Nordic ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune recommandation officielle au niveau international et relève « l'absence de recul sur l’utilisation de ce vaccin, en vie réelle, à ce jour dans le monde ».
En plus de ces motifs, la HAS évoque d’autres raisons qui légitiment, selon elle, l’intérêt de repousser la publication d’une recommandation sur Vimkunya. L’instance met notamment en avant « la faible adhésion vaccinale des populations à La Réunion, accentuée par la survenue des effets indésirables graves avec le vaccin Ixchiq », ce qui pourrait nuire également à Vimkunya. L’autorité sanitaire souligne que « si l’épidémie s’intensifie à Mayotte (…) celle-ci touche principalement les personnes de moins de 65 ans pour lesquelles le besoin est couvert par le vaccin Ixchiq ». Enfin, à La Réunion, on suppose désormais « une séroprévalence élevée de la population », alors que l’on estime à près de 200 000 le nombre de consultations liées à des symptômes du chikungunya depuis le début de l’épidémie. Autant de raisons qui poussent donc la HAS à jouer la carte de la prudence.
Toutefois, l’autorité sanitaire pourrait se prononcer en septembre sur la place respective des deux vaccins, notamment dans le cadre de recommandations vaccinales contre le chikungunya pour les voyageurs.
Un second vaccin, Vimkunya (Bavarian Nordic), non vivant et basé sur des pseudo-particules virales, pourrait constituer une alternative plus sûre, notamment pour les personnes immunodéprimées ou âgées.
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