Près de 400 groupes sanguins, dont 250 rares, c’est-à-dire possédé par moins de 4 personnes sur 1 000 sont recensés par l’Établissement français du sang (EFS). Dès lors, comment assurer aux patients détenteurs d’un groupe sanguin rare qu’ils puissent recevoir une transfusion en cas de besoin ? Plusieurs équipes de recherche travaillent à apporter une réponse à cette question. Retour aux fondamentaux. « Quand on parle de transfusion et de substituts de sang, on parle essentiellement de substituts de globules rouges, commence Wassim El Nemer, directeur de recherche et directeur scientifique à l'EFS en Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse. La fonction principale de ceux-ci est de transporter le dioxygène vers les organes et le dioxyde de carbone vers les poumons, c’est le processus de la respiration, notamment permis grâce aux importantes quantités d’hémoglobine retrouvées dans les globules rouges. » C’est donc l’objectif principal des équipes de recherche qui planchent sur le sujet : mettre au point un outil biologique capable de transporter ces deux gaz dans le corps, à l’image de la fonction des globules rouges.
Deux pistes sont à l’étude.
Au Japon, c’est l’encapsulation de l’hémoglobine qui est plébiscitée. « Injecter de l’hémoglobine libre a déjà été tenté par le passé, mais le fer qu’elle contient est beaucoup trop oxydant, c’est délétère pour tout un tas d’éléments vitaux, indique Wassim El Nemer. L’idée des Japonais, c’est donc d’encapsuler cette protéine dans des nanocapsules lipidiques, pour tenter de reproduire la capacité de transport des gaz. » Les études cliniques sont encore en cours. Cette technique pourrait avoir une application ponctuelle, imagine le directeur scientifique de l’EFS, mais ne représenterait pas une solution à long terme, tant la durée de vie des nanoparticules serait limitée, ou en tout cas inférieure aux 120 jours de vie dont disposent les globules rouges. Une limite que ne connaît pas la seconde stratégie : la culture in vitro de globules rouges, issus de cellules souches. Si plusieurs équipes explorent cette piste, c’est celle de l’université de Bristol dont les travaux sont les plus aboutis, estime Wassim El Nemer.
Depuis des cellules souches d’un patient A, ils ont produit l’équivalent de 10 millilitres de globules rouges puis les ont injectés à une personne B
Wassim El Nemer, directeur de recherche et directeur scientifique à l'EFS en Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse
« Ce laboratoire, encore au stade des essais cliniques, tente d’évaluer si les globules rouges produits in vitro se maintiennent dans le temps et sont aussi performants pour transporter les gaz de la respiration, poursuit le directeur de recherche. Depuis des cellules souches d’un patient A, ils ont produit l’équivalent de 10 millilitres de globules rouges puis les ont injectés à une personne B », détaille-t-il. Les données seront ensuite comparées à celles obtenues après une transfusion classique de sang, du même donneur vers le même receveur, afin d’établir si la capacité de transport des gaz des globules rouges et leur durée de vie sont comparables. Cette dernière donnée constitue un espoir pour les patients atteints de maladie qui exigent une transfusion toutes les 4 semaines. « Les globules rouges ont une durée de vie de 120 jours et sont répartis dans le sang selon une courbe gaussienne, décrit le directeur de recherche. Il y a peu de vieux et de jeunes et une majorité d’âge moyen. » Plutôt que de transfuser une poche toutes les 4 semaines (soit 12 par an) comme cela se fait actuellement, recevoir une poche de globules rouges synchronisés ne demanderait que huit, peut-être six, transfusions dans l’année. De plus, transfuser des globules rouges de cultures et donc d’âge synchrone « aurait un réel avantage pour les patients, parce que chaque transfusion pose un risque », ajoute Wassim El Nemer.
Ne pas délaisser le don du sang
Cette piste de recherche demeure cependant lente, coûteuse et pose le problème de l’immunogénicité des groupes sanguins. Tout comme une transfusion classique, une injection de globules rouges de culture doit être envisagée sous le prisme de ce paramètre. « Il existe des dizaines de groupes sanguins dont l’immunogénicité diffère », explique Wassim El Nemer. Les groupes bien connus ABO et Rh, par exemple, sont très immunogènes, c’est pourquoi ils sont primordiaux à prendre en compte lorsque l’on décide d’une transfusion. Le Graal serait donc de mettre au point un sang universel ou, et cela appartient au coûteux domaine de la médecine personnalisée, d’être en mesure de produire un sang qui mimerait toutes les spécificités individuelles. « Toutes ces stratégies envisagées sont à explorer et ouvrent, à terme, de potentielles stratégies thérapeutiques, mais sont très loin, plusieurs dizaines d’années au moins, de constituer une alternative au don du sang, qu’il faut absolument continuer de soutenir », achève Wassim El Nemer.
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