Principaux médicaments
- Dermocorticoïdes : hydrocortisone acéponate (Efficort) ; hydrocortisone 17-butyrate (Locoïd…) ; désonide (Locapred, Tridésonit…) ; difluprednate (Epitopic) ; bêtaméthasone dipropionate (Diprosone, Diprolène…) ; bêtaméthasone valérate (Betneval) ; diflucortolone (Nérisone et Nérisone Gras) ; fluticasone (Flixovate) ; clobétasol propionate (Dermoval…)…
- Inhibiteurs de la calcineurine : tacrolimus par voie locale (Protopic, Takrozem…) ; ciclosporine par voie générale (Néoral…).
- Thérapies ciblées : dupilumab (Dupixent) ; tralokinumab (Adtralza) ; baricitinib (Olumiant) ; upadacitinib (Rinvoq) ; abrocitinib (Cibinqo, nouveau).
Mécanismes d’action
Les corticoïdes exercent de multiples effets : augmentation de la synthèse de facteurs anti-inflammatoire (lipocortine, IL-10), inhibition de la production de facteurs pro-inflammatoires (cytokines, interleukines), action vasoconstrictrice locale par baisse de la synthèse de monoxyde d’azote, action immunosuppressive et antimitotique par diminution de la prolifération et de la migration de lymphocytes T et de macrophages ainsi que via diverses cytokines.
Les inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) sont des immunosuppresseurs locaux ou généraux. Ils agissent en inhibant la phase initiale d’activation des lymphocytes CD4+ via une inhibition de la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, notamment d’interleukine 2. La synthèse d’autres interleukines peut également être déprimée.
Les biothérapies indiquées dans la dermatite atopique sont encore en petit nombre, avec le tralokinumab (un anti-IL-13), et le dupilumab, premier anticorps monoclonal ciblant à la fois les interleukines 4 et 13, deux cytokines majeures impliquées dans la dermatite atopique.
Enfin, les autres thérapies ciblées sont représentées par des inhibiteurs de Janus kinases avec l’upadacitinib et l’abrocitinib (anti-JAK1) et la baricitinib (anti-JAK 1 et 2). Les Janus kinases sont des enzymes de la classe des tyrosines-kinases, impliquées (via diverses cytokines) dans plusieurs voies de signalisation intracellulaire concernant l’hématopoïèse, l’inflammation et l’immunité.
10 % La dermatite atopique persiste chez l’adolescent et l’adulte dans environ 10 % des cas
Dans quelles situations cliniques ?
L’objectif de la prise en charge est de soulager le patient lors d’une poussée et de prévenir les récidives. Il n’existe pas actuellement de traitement curatif.
La prise en charge d’une dermatite atopique est un objectif de longue haleine, associant des mesures d’ordre général à un schéma de traitement pharmacologique bien codifié, mais qui se heurte souvent à une observance trop souvent aléatoire des thérapeutiques topiques. Elle doit aussi intégrer le traitement des éventuelles comorbidités atopiques (asthme, rhinites allergiques…).
Une bonne éducation thérapeutique est indispensable, notamment pour lutter contre la corticophobie. Il faut expliquer au patient, ou à ses parents, qu’une dermatite atopique prise en charge précocement et de façon optimale est moins à risque de complications et de chronicisation.
Le patient type
La dermatite atopique (DA), communément appelée eczéma atopique, est une maladie inflammatoire chronique évoluant par poussées se manifestant par une peau sèche (xérose) et un prurit chronique souvent très intense et insomniant.
Très fréquente (son incidence a été multipliée par 2 à 3 ces 30 dernières années), elle affecterait 20 à 30 % des enfants, avec un pic d’incidence vers l’âge de 2 ans. Elle commence le plus souvent avant l’âge de 3 mois. Elle persiste chez l’adolescent et l’adulte dans environ 10 % des cas, et moins de 3 % après 50 ans. Plus de 2 millions d’adultes seraient concernés.
Elle représente la première manifestation de ce que l’on appelle la « marche atopique ». La DA est une des composantes de l’atopie puisque 50 % des patients atteints de dermatite atopique présentent des comorbidités atopiques (asthme, rhinite allergique, conjonctivite) dont le risque est génétiquement transmis. 50 à 70 % des patients souffrant de DA ont un parent du premier degré lui-même atteint ou en ayant été atteint dans le passé. Le diagnostic est clinique et anamnestique.
Des anomalies structurales de la peau parmi lesquelles une anomalie du gène concernant la filaggrine, une molécule nécessaire à la constitution de la couche cornée et à la résistance de la barrière cutanée, favorisent la pénétration de certaines molécules de l’environnement, certaines cellules immunitaires réagissant ensuite de manière excessive créant un état inflammatoire.
Posologies recommandées chez l’adulte et plans de prise
Traitements locaux
- Dermocorticoïdes : 1 ou 2 applications par jour, selon les produits. À chaque localisation sa forme privilégiée : pommades (plaques épaisses, zones lichénifiées et en cas de xérose importante) ; crèmes (grandes surfaces, plis si lésions peu suintantes) ; lotions (plis et zones pileuses) ; gels ou mousses (cuir chevelu).
- Inhibiteur de la calcineurine : tacrolimus, 1 application 2 fois par jour, puis 1 fois par jour.
Traitements généraux
- Inhibiteur de calcineurine : ciclosporine, 2,5 à 5 mg/kg/j (ne peut être utilisée que pendant quelques mois).
- Anticorps monoclonaux : dupilumab, 1 dose initiale de 600 mg en sous-cutané, puis 300 mg toutes les 2 semaines ; tralokinumab, 1dose initiale de 600 mg en sous-cutané, puis 300 mg toutes les 2 semaines (ou toutes les 4 semaines en cas de blanchiment de la peau après 4 mois de traitement). Ces deux produits peuvent être administrés dans la cuisse, l’abdomen ou le haut du bras.
- Anti-JAK : abrocitinib : 200 mg, une fois par jour, à n’importe quel moment de la journée, dose pouvant être réduite à 100 mg dans certains cas, notamment chez les patients de plus de 65 ans et les insuffisants rénaux ; baricitinib, 4 mg une fois par jour, à n’importe quel moment de la journée, dose pouvant être réduite à 2 mg/j chez certains patients (au-delà de 65 ans, antécédents d’infections chroniques récurrentes, insuffisance rénale modérée ou clairance de la créatinine entre 30 et 60 ml/min) ; upadacitinib, 15 à 30 mg une fois par jour.
Une carte patient pour les anti-JAK
Les anti-JAK utilisés dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques sont susceptibles d’entraîner des effets indésirables graves tels que des troubles cardiovasculaires majeurs, caillots sanguins, infections graves, cancers, voire décès, a rappelé l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) en avril 2023.
Les anti-JAK ne doivent plus être utilisés, sauf s’il n’existe pas d’alternative thérapeutique, chez les patients identifiés comme à surrisque d’effets indésirables :
- âgés de 65 ans et plus ;
- fumeurs ou qui ont fumé longtemps ;
- ayant d’autres facteurs de risque cardiovasculaire ou de tumeur maligne.
Des cartes patients sont à présenter aux professionnels de santé (dont les pharmaciens) impliqués dans leur prise en charge.
Cas particuliers
Grossesse et allaitement
La ciclosporine ne doit pas être utilisée en cas de grossesse ou d’allaitement.
Par prudence, l’emploi d’anticorps monoclonaux est déconseillé au cours de la grossesse et de l’allaitement.
Les anti-JAK sont contre-indiqués pendant la grossesse et déconseillés au cours de l’allaitement, ce qui entraîne la nécessité d’une contraception efficace chez les femmes en âge de procréer, prolongée pendant au moins une semaine ou un mois, en fonction du produit, suivant l’arrêt du traitement.
Insuffisance rénale ou hépatique
Prudence vis-à-vis des médicaments administrés par voie générale, à l’exception des biothérapies.
Vigilance requise !
Contre-indications absolues
Les dermocorticoïdes ne doivent pas être appliqués sur une peau ulcérée ou infectée, lors de dermatoses virales (herpès, varicelle), bactériennes (impétigo), parasitaire (gale), fongiques, sur des lésions d’acné ou de rosacée.
La ciclosporine est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale, d’hypertension artérielle ou d’infection non contrôlée.
Les anti-JAK ne doivent pas être utilisés en cas de tuberculose active ou autre infection grave.
Les vaccins vivants et vivants atténués (ROR, varicelle, fièvre jaune) ne doivent pas être administrés en cours de traitement par le dupilumab ou le tralokinumab.
Effets indésirables
- Dermocorticoïdes : risque infectieux, atrophie cutanée au site d’application, allergie de contact (au corticoïde, au produit éventuellement associé ou à l’excipient), dermites rosacéiformes, troubles de la pigmentation. En cas d’utilisation prolongée de corticoïdes puissants sur des surfaces importantes, il existe un risque potentiel de suppression temporaire de l’axe hypothalamo-hypophysaire, de retard de croissance (rattrapé après l’arrêt du traitement), d’une hyperglycémie et d’une fragilité osseuse.
- Baricitinib, upadacitinib, abrocitinib : diminution de l’immunité (augmentation de l’incidence des infections des voies respiratoires supérieures et des voies urinaires, poussée de zona, risque néoplasique cutané - autres cancers que les mélanomes), augmentation du risque d’événements thromboemboliques (attention chez les patients présentant des antécédents de maladie cardiovasculaire athéroscléreuse ou ayant d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, par exemple les fumeurs ou anciens fumeurs), anomalies lipidiques (sans changement du rapport LDL/HDL) et des transaminases hépatiques (surveillance requise lors du traitement), céphalées, nausées, douleurs abdominales. Vigilance chez les plus de 65 ans et en cas de signe d’infection (fièvre…) ainsi que chez les sujets exposés à un risque accru d’infection (diabétiques, notamment).
- Ciclosporine : insuffisance rénale (la néphrotoxicité impose de limiter le temps de traitement), hypertension artérielle, tremblements, paresthésies, sensations de brûlures aux mains et aux pieds, hirsutisme, nausées/vomissements, diarrhées, hyperplasie gingivale, troubles métaboliques (hyperkaliémie, hyperuricémie, hypomagnésémie). En raison de la diminution des réponses immunitaires, elle peut augmenter (tout comme le tacrolimus) le risque de survenue de certaines tumeurs malignes ou de lymphomes.
- Dupilumab, tralokinumab : risque de conjonctivite et de kératite, réactions au site d’injection, d’hyperéosinophilie sanguine (sans conséquence clinique).
- Tacrolimus : sensation de prurit ou de brûlure, le plus souvent modérée et transitoire. On peut conseiller de conserver le tube au frais et d’appliquer une crème hydratante avant celle du produit. L’exposition au soleil est déconseillée pendant le traitement en raison du risque de photocarcinogenèse liée au pouvoir immunosuppresseur.
Interactions médicamenteuses
- Ciclosporine : risque d’augmentation du taux sanguin de ciclosporine avec certains antibiotiques (pristinamycine, érythromycine, roxithromycine, josamycine), des antifongiques par voie générale (kétoconazole, fluconazole, itraconazole), les contraceptifs oraux et certains inhibiteurs calciques ; risque d’effet inverse avec le triméthoprime, l’octréotide, la rifampicine, le phénobarbital et certains antiépileptiques (carbamazépine, phénytoïne).
- Anti-JAK : risque d’interactions en cas d’association avec les produits interférant avec l’activité du cytochrome CYP3A4.
Stratégie thérapeutique
Les traitements sont symptomatiques. Il peut être nécessaire de les adapter très rapidement, en fonction de l’évolution.
Les soins lors des poussées visent à réduire l’inflammation et le prurit, pour soulager le patient et éviter une surinfection.
Dans 90 % des cas les traitements locaux sont suffisants. Deux types de traitements sont mis en œuvre :
- Les émollients représentent le traitement de fond, à appliquer chaque jour sur l’ensemble du corps et du visage, sur la peau encore humide après la douche ou le bain. Ils visent à restaurer l’intégrité de la barrière cutanée, favorisent la rémission et préviennent la poussée suivante ou en diminuent son importance.
- Les dermocorticoïdes sont le traitement essentiel. La forme galénique et le niveau d’activité doivent être adaptés à l’âge, à la localisation et aux types de lésions : force 1 pour les lésions très inflammatoires (notamment mains et pieds), sinon habituellement force 2 ou 3. Prudence pour les lésions du visage et à éviter sur les lésions des paupières (risque de cataracte). Les corticoïdes par voie systémique sont contre-indiqués. En cas de résistance, le tacrolimus topique (efficace dès la première semaine) peut se substituer aux dermocorticoïdes.
À savoir : il est conseillé d’éviter de se gratter lors des poussées et en cas de démangeaisons d’appliquer de la crème hydratante conservée au réfrigérateur, ou une eau thermale ou encore un pack de froid.
La photothérapie peut être utilisée en association à ces topiques.
Les cas sévères non contrôlés par les traitements locaux relèvent des immunosuppresseurs et des thérapies ciblées. À ce jour, six médicaments disposent d’une AMM dans cette indication : ciclosporine (pas d’AMM pédiatrique), dupilumab, tralokinumab, baricitinib, upadacitinib, abrocitinib. Certains immunosuppresseurs sont parfois utilisés hors AMM, comme l’azathioprine et le méthotrexate.
Une antibiothérapie de quelques jours n’est utile qu’en cas de surinfection avérée, à type d’impétigo dû à Staphylococcus aureus : topique (fusidate de sodium, mupirocine) ou par voie générale (amoxicilline/acide clavulanique, pristinamycine). Les dermocorticoïdes doivent être suspendus durant le traitement.
Les anti-histaminiques H1 (cétirizine) peuvent être utiles en cure courte les premiers jours d’une poussée pour diminuer le prurit.
Le traitement se heurte souvent à une observance trop souvent aléatoire des topiques et à une corticophobie
Conseils associés à l’ordonnance
Rappelons les mesures indispensables aux peaux atopiques : supprimer les bains au profit de douches courtes à l’eau tiède, utiliser un produit d’hygiène adapté, sans savon (type syndet ou une huile lavante à pH neutre), sans conservateur, sans lanoline et de préférence sans parfum, se sécher en tamponnant doucement, privilégier les tissus en coton et éviter les vêtements en laine.
Enfin, en cas de poussées fréquentes, un traitement d’entretien peut être proposé en prévention des rechutes : 2 applications par semaine d’un dermocorticoïde sur les zones habituellement touchées. En continuant d’appliquer chaque jour sur toute la surface du corps une crème hydratante.
À retenir
- Les traitements ont pour objectifs de réduire les poussées et de prévenir les récidives.
- L’application quotidienne d’un émollient représente le traitement de fond, auquel s’ajoute un dermocorticoïde lors des poussées, pouvant être remplacé par une forme topique de tacrolimus en cas d’échec.
- Les cas les plus sévères relèvent d’un traitement général par un immunosuppresseur, la ciclosporine (attention aux effets indésirables et aux nombreuses interactions), des biothérapies (anticorps monoclonaux) et autres thérapies ciblées innovantes actives par voie orale (anti-JAK).
- Dans tous les cas, une observance optimale est nécessaire à l’efficacité.
Testez-vous
1. Citez un dermocorticoïde de classe 2 (forte) :
a) Bêtaméthasone valérate ;
b) Fluticasone ;
c) Désonide.
2. Quelle est la posologie du tracrolimus en traitement d’attaque ?
a) 1 application par jour ;
b) 2 applications par jour ;
c) 3 applications par jour.
3. Quelle est l’affirmation vraie concernant les anticorps monoclonaux ?
a) Leur posologie comporte toujours une dose de charge ;
b) Ils s’administrent en injections quotidiennes ;
c) Ils exposent à un risque de conjonctivite.
4. Quelle est l’affirmation fausse concernant la ciclosporine ?
a) Sa posologie dépend du poids du patient ;
b) Elle peut induire une hypertension artérielle ;
c) Elle peut être utilisée au cours de la grossesse.
5. Citez un effet indésirable des anti-JAK :
a) Poussée de zona ;
b) Infection urinaire ;
c) Insuffisance rénale.
Réponses : 1. a) et b) ; 2. b) ; 3. a) ; 4. c) ; 5. a) et b).
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