Digitoxine n’est pas digoxine. Et contrairement à la digoxine, la digitoxine s’avère efficace dans l’insuffisance cardiaque (IC) avec fraction d’éjection ventriculaire gauche réduite (FEVGr) pour abaisser le risque de décès toutes causes ou d’hospitalisation pour exacerbation d’IC. C’est ce que montrent les résultats de l’essai Digit-HF publiés dans The New England Journal of Medicine et présentés lors du congrès 2025 de l’European Society of Cardiology (ESC).
La digitoxine, comme la digoxine, est un glycoside cardiaque (digitalique), une classe thérapeutique issue des digitales (groupe de plantes) et utilisée de longue date pour le traitement de l’insuffisance cardiaque par son action tonicardiaque et anti-arythmique. Mais l’efficacité clinique de la digoxine dans l’IC à fraction d’éjection réduite n’a été testée qu’en 1997 dans l’essai randomisé Dig, sans atteindre le critère d’efficacité principal.
« La digoxine a eu un effet globalement neutre sur la mortalité, le critère d'évaluation principal dans l'essai Dig, mais il y a cependant une réduction des hospitalisations pour aggravation de l’IC, le critère secondaire. De plus, des taux sériques de digoxine plus faibles semblaient associés à des améliorations, tandis que des taux plus élevés aggravaient le pronostic, expliquent les auteurs de Digit-HF, issus pour la plupart de l’école de médecine de Hanovre (Allemagne). Les bénéfices les plus importants ont été observés chez les patients présentant des symptômes prononcés d'insuffisance cardiaque et une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) nettement réduite ».
Des avantages à la digitoxine
Avec l’arrivée des derniers traitements de l’IC à FEVGr (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêta-bloquants…), l’utilisation des digitaliques avait diminué. D’autres facteurs ont également contribué à leur abandon comme « l'absence de commercialisation de la digoxine générique, les inquiétudes concernant les arythmies et autres effets indésirables à des taux sériques élevés, et une analyse post-hoc préoccupante d'un sous-groupe de l'essai Dig qui indiquait une mortalité excessive chez les femmes », commente dans un éditorial le Pr Marc Pfeffer de l’école de médecine d’Harvard (États-Unis).
Dans l’essai Digit-HF, les auteurs se sont intéressés à la digitoxine, aussi appelée digitaline, qui pourrait constituer, selon la littérature, une meilleure candidate que la digoxine. Outre une plus grande biodisponibilité, la digitoxine est efficacement éliminée par excrétion entéro-hépatique lorsque la fonction rénale est fortement altérée, contrairement à la digoxine. De plus, les concentrations sanguines de digitoxine peuvent rester stables sans ajustement posologique, même chez les patients présentant une insuffisance rénale chronique.
Un bénéfice plus marqué pour les fréquences cardiaques les plus élevées
L’essai randomisé en double aveugle contre placebo a été mené sur 55 sites en Allemagne, Autriche et Serbie. Ont été inclus 1 212 patients atteints d'insuffisance cardiaque avec FEVGr (NYHA II et FEVG ≤ 30 %, ou NYHA III-IV et FEVG ≤ 40 %). Les participants ont reçu, soit de la digitoxine (0,05 ou 0,1 mg par jour pour atteindre une concentration cible de digitoxine de 8 à 18 ng/ml) (n = 613), soit un placebo (n = 599).
Le bénéfice était plus important quand la concentration de digitoxine était basse
Tous les patients suivaient en parallèle un traitement standard de l’insuffisance cardiaque. À 36 mois, le critère d’évaluation principal, un composite de décès toutes causes et d’hospitalisation pour aggravation de l’IC, était atteint pour 39,5 % du groupe digitoxine contre 44,1 % du groupe placebo (HR = 0,82). Au total, 27,2 % des patients du groupe digitoxine et 29,5 % du groupe placebo sont décédés (HR = 0,86) ; une première hospitalisation pour aggravation de l'IC a été observée chez 28,1 et 30,4 %, respectivement (HR = 0,85). De plus, les auteurs relèvent que les patients présentant une fréquence cardiaque ≥ 75 BPM ou une pression artérielle systolique ≤ 120 mmHg semblaient en retirer davantage de bénéfices. Enfin, comme dans l’essai Dig, le bénéfice était plus important quand la concentration de digitoxine était basse.
Des événements indésirables graves sont survenus chez 4,7 % des patients du groupe digitoxine et 2,8 % du groupe placebo, principalement des troubles cardiaques (respectivement 3,4 et 1,8 %).
Quelle place dans l’arsenal thérapeutique ? « Nous avons pu démontrer qu'en utilisant un protocole simple d'ajustement posologique, la digitoxine réduisait significativement la mortalité toutes causes confondues et les hospitalisations pour aggravation de l'insuffisance cardiaque chez les patients bénéficiant d'un traitement bien mis en œuvre », concluent les chercheurs. La digitoxine se présente comme une option supplémentaire dans l’IC à FEVG réduite, « en particulier (pour les patients) présentant une fibrillation auriculaire, une fréquence cardiaque élevée, une pression artérielle basse ou une insuffisance rénale », précisent-ils.
Et le Pr Pfeffer de rajouter que « l’essai Digit-HF rappelle aux cliniciens les opportunités existantes de la digoxine ». En attendant les résultats de l’essai Decision, qui évalue la digoxine à dose plus faible, l’éditorialiste estime dès à présent son « utilisation judicieuse » chez des patients « soigneusement sélectionnés ».
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