Certains algorithmes d'IA ont des performances diagnostiques qui égalent voire dépassent les experts mais la validation de ces outils dans le parcours de soin manque de données scientifiques. Pourtant depuis deux ou trois ans, des centres privés dirigés par des non-dermatologues font la promotion de dispositifs d'imagerie couplés à l'IA pour diagnostiquer des cancers de la peau à des personnes inquiètes par une lésion cutanée ou un grain de beauté suspect.
La supervision par un dermatologue reste indispensable pour interpréter les résultats de l'IA et apporter une réponse personnalisée à chaque cas
Les dermatologues dénoncent ce nouveau marché commercial qu'ils qualifient de Far West lorsque le but recherché est essentiellement lucratif sans respecter les règles de bonne pratique ou les recommandations médicales. « La supervision par un dermatologue reste indispensable pour interpréter les résultats de l'IA et apporter une réponse personnalisée à chaque cas ; parfois la biopsie/exérèse reste le seul examen de référence » insistent les experts. En pratique, pour être performants, les outils de dépistage des cancers cutanés doivent scanner la peau du corps entier. Pourtant, comme le déplore le Dr Mathieu Bataille, dermatologue au CH de Saint-Omer (Hauts-de-France) « certains dispositifs disponibles dans les pharmacies ou via des applications proposent d'envoyer la photographie d'une lésion de peau considérée comme douteuse pour être analysée et diagnostiquée par l'IA, sans l'intervention d'un médecin ni d'examen cutané complet, au risque de méconnaître un cancer situé sur une autre partie du corps. La pertinence du diagnostic dépend aussi de la qualité de l'image analysée par l'IA, or elle n'est ni contrôlée ni fiable et peut générer des erreurs grossières ou de fausses alertes faisant paniquer à tort le patient. Pourtant au final, en cas de doute, l'algorithme de l'IA ne prend pas de risque ni de responsabilité et préfère conseiller une consultation dermatologique plus ou moins urgente, en désorganisant un système de santé déjà fragile et saturé face à la pénurie de dermatologues. »
Apprendre à reconnaître les signes de malignité
Dans un cadre hospitalier bien structuré et malgré leur coût environnemental, les dispositifs de l'IA avec des algorithmes validés ont un réel potentiel pour améliorer l'expertise du dermatologue, qui devient un dermatologue « augmenté » reconnaît la SFD : « outre l'aide au diagnostic, ils permettent d'intégrer et d'analyser des millions de données cliniques et thérapeutiques en espérant faire progresser la recherche et le concept de médecine personnalisée. »
En attendant, la SFD rappelle que l'examen annuel des grains de beauté n'est recommandé que pour les personnes à risques et qu'un dépistage de masse n'est pas pertinent du fait de la rareté des cancers cutanés en France (environ 30 000 par an). « La SFD souhaite encourager les messages de prévention et l'autosurveillance explique la Pr Gaëlle Quéreux du CHU de Nantes. Pour mieux connaître sa peau et identifier les signes d'alerte, nous avons lancé cette année la campagne " Yes I can " qui consiste à vérifier soi-même les signes de l'acronyme CAN (Changeant, Anormal, Nouveau) plus approprié que le classique ABCDE plus spécifique des mélanomes. Elle sera étendue en 2026 pour toucher plus largement le grand public via des campagnes d’affichage. »
D'après une conférence de presse de la Société française de dermatologie (SFD)
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