Fabriquer en France pour mettre fin aux ruptures ?

Publié le 15/06/2023
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Elle aussi en attente de solution, la sempiternelle question des ruptures de stocks était au programme du congrès de Montpellier*. Piste de travail : La relocalisation de la production pourrait-elle aider à contourner l'obstacle ? La réponse est en demi-teinte.

Le constat est malheureusement ancien. « En 2023, un sondage BVA a montré que 35 % des Français (soit 8 % de plus qu'en 2022) ont été confrontés à une rupture de stock », rappelle d'emblée Catherine Simonin, membre du bureau de France Assos Santé. « Notre quotidien est une véritable galère ! Les ruptures de stock sont un phénomène anxiogène pour les patients et pour nous, pharmaciens », confirme de son côté Fabrice Camaïoni, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui souligne aussi les carences dans la communication sur les causes de rupture.

À l'heure où l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lance une nouvelle campagne sur le bon usage du médicament, la question des ruptures d'approvisionnement prend une autre dimension. Au-delà du combat contre les mésusages, il faut aussi souligner que la France est parmi les pays européens les plus consommateurs de médicaments, rappelle en effet Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'ANSM, qui voit peut-être dans cette singularité l'une des multiples causes des problèmes de stock dans l'Hexagone. « Les médicaments matures ont été " rincés" par les baisses de prix, ce qui a amené les industriels à se lancer dans un sourcing vers des pays moins chers que la France », souligne pour sa part Laurent Gainza, directeur des affaires publiques du LEEM pour contextualiser la perte d'une certaine souveraineté. De fait, « la part de l'industrie pharmaceutique française est passée de 24 % du PIB en 1980 à 12 % aujourd'hui » indique Jean-Sébastien Baschet, directeur des relations institutionnelles du groupe Seqens.

Un exemple de relocalisation réussie

Le groupe Seqens (partenaire de Sanofi et UPSA) gros producteur de paracétamol sur son site de Roussillon (Isère) est justement l'un des exemples phare d'une relocalisation réussie. « Les process de synthèse du principe actif ont été modernisés et optimisés pour réduire les coûts de production. Sur l'exemple du paracétamol, nous montrons ainsi que nous sommes capables de porter de l'innovation », se félicite Jean-Sébastien Baschet. À moyen termes, la production d'une douzaine d'autres molécules pourrait être relocalisée par Seqens. Réindustrialiser l'Hexagone, soit, mais pour Laurent Gainza, la question de la relocalisation doit être considérée à l'échelon européen. « Aucun pays ne peut aujourd'hui revendiquer une souveraineté économique sur l'ensemble de la pharmacopée », souligne-t-il. Et de proposer une production de médicaments semi-finis à l'échelle de l'Europe qui seraient « distribués » aux pays en fonction des besoins nationaux avec la notice adaptée.

Renforcer les outils des pharmaciens

« La réindustrialisation, on y arrivera ensemble, confirme la directrice de l'ANSM. Plus les produits sont fabriqués près, plus nous sommes agiles à gérer les ruptures. » Lorsque l'amoxicilline a manqué, la préparation des médicaments dans les hôpitaux a été une solution, rappelle-t-elle ainsi. Christelle Ratignier-Carbonneil invite aussi pharmaciens et médecins à renforcer leur collaboration et à développer une conscience citoyenne du bon usage du médicament. « Je n'ai pas de baguette magique, mais ensemble on y arrivera. »

« En attendant, interroge pragmatique, Fabrice Camaïoni, à quoi doivent s'attendre les pharmaciens l'hiver prochain ? » À défaut d'une relocalisation massive de la production, peut-être pourrait-on renforcer les outils des officinaux spécialisés en préparation magistrale, suggère-t-il, ou encore faciliter la substitution de molécules à l'intérieur d'une même classe thérapeutique. Le système D a encore de beaux jours…

* D'après la table ronde « Des médicaments fabriqués en France pour nos pharmacies ? »

Didier Doukhan

Source : lequotidiendupharmacien.fr