
Que reste-t-il de la mobilisation du 30 mai 2024, un mouvement de contestation qui a d’autant plus marqué les esprits que la grève est rare dans la profession ? Car la fermeture de plus de 90 % des officines ce jour-là, doublée de manifestations dans les grandes villes de France, était destinée à clamer auprès des pouvoirs publics et de la population le « ras-le-bol » d’une profession sur tous les fronts depuis le début de la pandémie. Les pharmaciens avaient été, ce jour-là au moins, entendus puisqu’une délégation de représentants des groupements et des syndicats avait été reçue à Bercy à l’issue de la manifestation parisienne. « La balle est désormais dans le camp du gouvernement ! », avait déclaré à la sortie de cette entrevue Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Et de rappeler les revendications majeures de la profession : la préservation du maillage officinal, la lutte contre les pénuries, la défense de l’économie officinale, le combat contre la dérégulation de la vente en ligne, la réforme des études.
La colère est peut-être retombée sur les pavés, mais sur le terrain, tous les dossiers ne sont pas réglés. Loin s’en faut.
- La lutte contre les pénuries de médicaments. Celles-ci avaient atteint des sommets vertigineux avec environ 800 présentations en rupture de stock simultanément à l’hiver 2022-2023 (chiffres DREES), et près de 5 000 spécialités déclarées en rupture ou risque de rupture sur l’année 2023 (ANSM). Depuis, si les pénuries sont passées sous la barre des 4 000 déclarations en 2024, les pharmaciens ne trouvent plus aujourd’hui certains médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (quétiapine, sertraline…). Les consignes (tardives) des autorités de santé les obligent à recourir à la dispensation à l’unité. C’est aussi le grand retour de la préparation magistrale qui voit pour la première fois ses prix encadrés… mais bradés, obligeant les acteurs du préparatoire à fabriquer des gélules de sertraline à perte.
- La défense de l’économie et la lutte contre les fermetures d’officines. Mené quelques jours avant la signature de l’avenant 1 à la convention pharmaceutique, le mouvement avait également pour objet de pointer les difficultés économiques d’un réseau qui perd 200 officines par an. C’était sans compter sur la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin. La menace d’un changement de ministre a décidé la FSPF à signer, in extremis le 10 juin, un texte qui entérine la revalorisation des certains actes et honoraires en même temps qu’il introduit une aide aux pharmacies situées dans des territoires fragiles. Ces avancées suffiront-elles à garantir la pérennité économique des entreprises officinales ? Assurément pas, clame l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui a refusé de signer ce texte. La Cour des comptes, dans un rapport sur les comptes de la Sécurité sociale publié le 26 mai dernier, l’écrit noir sur blanc : « Maillons essentiels du système de santé, les pharmacies d’officines connaissent de nombreuses transformations dont le pilotage par les pouvoirs publics est dispersé et hésitant. Ainsi, les dispositifs censés pallier la raréfaction des officines rurales, moins attractives, sont trop complexes et leurs effets sont incertains. » Elle appelle aussi à une rémunération des nouvelles missions plus « cohérente ». Pour l’heure, il est prématuré de juger les effets de cet avenant sur les résultats du premier trimestre et surtout de sa capacité à compenser la hausse des charges et des coûts salariaux.
- La protection du monopole pharmaceutique. Lancées depuis Bercy, les tentatives de dérégulation du marché officinal ont fait long feu. Les ministères de tutelles se sont en effet rangés à l’évidence, le maillage territorial assuré par la pharmacie est un précieux allié pour pallier les effets de la désertification médicale. Face aux menaces de libéralisation de la vente en ligne de médicaments brandies par Matignon à l’époque de Gabriel Attal, un statu quo a été trouvé dès le 30 mai. La profession, groupements en tête, s’est ainsi engagée à offrir à tous les Français la possibilité de commander des médicaments sur le site de son pharmacien. Pari tenu, puisque le 22 mai, le portail de services « Ma pharmacie en France » a été acté pour une mise en action à l’automne (voir page 4). Mais la direction générale des entreprises (DGE) veille.
- La réforme des études. De réunions en réunions entre les parties prenantes, la réforme du troisième cycle (6e année pour le cycle court) n’a pas avancé d’un pouce en un an. Elle doit mettre en place un DES court officine et industrie, allonge la durée du stage officinal de 6e année et rémunère mieux les étudiants. Elle est attendue pour la rentrée 2025…
Depuis la grève, une autre menace est apparue au grand jour, avec un rapport sénatorial publié à l’automne 2024 sous forme de sonnette d’alarme. La financiarisation est une urgence qui provoque un consensus entre les représentants de la profession et les pouvoirs publics : celui de contrer impérativement l’entrisme de groupes financiers extérieurs à la pharmacie dans le réseau officinal. Car une nouvelle fois, il est question de préserver le maillage officinal et l’accès aux soins. Comme pour la vente en ligne, la profession s’est saisie de cette urgence. L’USPO a ainsi pris l’initiative d’un rapport présenté le 23 mai. Un état des lieux inquiétant de l’emprise de certains fonds d’investissement sur le réseau, mais aussi douze mesures permettant aux pharmaciens de garder la main sur l’avenir de leur profession (voir page 6).
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