Après le matériel médical et les dispositifs médicaux, la captation par les PSAD monte d’un cran. Les ordonnances sont désormais ciblées par ces sociétés qui les confient à des pharmacies partenaires. C’est ce qu’a découvert à ses dépens tout récemment Sandrine P*. Un soir d’avril cette titulaire, installée dans le centre de Paris, s’est vu confier une ordonnance par le mari d’une patiente. Vogalène, Phocytan, Scoburen, Solumedrol, Lovenox et Pantoprazole… « N’ayant pas tous les injectables en stock, j’en ai immédiatement passé commande auprès de mon grossiste que je peux joindre chaque jour jusqu’à 23 heures pour une livraison à 8 h 30. C’est exactement ce qui s’est passé. J'avais tous les produits dès l’ouverture le lendemain matin », se souvient-elle.
Mais le processus s’enraye rapidement dans la matinée quand l’époux de la patiente rappelle la pharmacienne et l’informe que le traitement leur a été finalement délivré le matin même à domicile par un pharmacien de la banlieue de l’Ouest parisien. L’enquête menée par Sandrine P. révélera rapidement que cette pharmacie, située à 10 kilomètres du domicile de la patiente, a été contactée par une société de PSAD, Elivie. Celle-ci se dédouane auprès de l'officinale parisienne en affirmant que la patiente a donné son accord. Si elle n’incrimine en aucune façon l’Institut Curie, Sandrine P. pointe ces opérateurs qui, tel Elivie, profitent de la vulnérabilité des patients pour détourner les ordonnances à leur profit. « D’ailleurs, poursuit la titulaire, des pharmaciens implantés à proximité de l’Institut Curie m’ont rapporté qu’ils avaient vu se raréfier considérablement, sinon disparaître totalement, les prescriptions de sortie hospitalière. »
Contactée à plusieurs reprises par « le Quotidien du pharmacien », la société Elivie n’a pas cru nécessaire de s’expliquer sur son partenariat avec certaines pharmacies. Ces agissements ne sont toutefois pas propres à la Capitale. Dans les Hauts-de-France, Grégory Tempremant, président de l’URPS pharmaciens, relève également ces dérives : « Autrefois, les détournements concernaient les tire-lait ou la contention, ça s’est calmé sur ces marchés car, soutenus par le DG de l’ARS, nous étions intervenus auprès des directeurs d’établissements. Mais aujourd’hui, nous observons très nettement une captation des prescriptions hospitalières, quand ce ne sont pas les PSAD elles-mêmes qui rédigent l’ordonnance à la place du médecin ! »
Le président de l’URPS pharmaciens s’interroge également sur les pratiques de certains infirmiers dans le champ des prescriptions de pansements techniques ou de dispositifs médicaux. La sonnette d’alarme a retenti auprès des Ordres par les représentants des pharmaciens interloqués par de telles pratiques, alors que la profession est sommée de coopérer avec les médecins et les infirmiers dans la coordination des soins et le parcours du patient ! Grégory Tempremant estime aujourd'hui nécessaire de mener une campagne d’information auprès du grand public sur le thème « La prescription appartient au patient, mon pharmacien, c’est mon choix ».
* Le prénom et le nom ont été modifiés.
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