C’est un coup de massue que l’on avait vu venir mais qui n’en est pas moins douloureux. Dans l’après-midi du 20 juin, le ministère de la Santé a annoncé aux industriels du médicament, aux grossistes-répartiteurs et aux syndicats de pharmaciens, son intention de réviser le plafond des remises sur les génériques. De 40 % aujourd’hui, il serait abaissé entre 20 et 25 %, plafond qui serait par ailleurs étendu aux médicaments hybrides (voir page 7). Pour le ministère, cette baisse drastique sur les génériques doit être compensée par l’introduction de remises sur les biosimilaires. Pour les représentants des pharmaciens, en revanche, ce calcul n’est pas le bon. « L’argument d’une compensation par les nouvelles remises sur les médicaments biosimilaires ne tient pas, fustige la FSPF. Non seulement ce marché naissant n’exprimera son potentiel qu’à long terme mais le plafond de remises annoncé ne serait que de 15 % ! » Un avis que partage l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Certains avancent que les biosimilaires compenseront les pertes générées sur le générique. C’est une erreur stratégique majeure car leur déploiement est très hétérogène, concentré essentiellement autour des établissements hospitaliers, rappelle le syndicat. Par ailleurs, ils restent quasi-absents de nombreuses officines rurales, contrairement aux génériques qui, eux, sont omniprésents. Enfin, le volume global des biosimilaires reste aujourd’hui largement insuffisant pour absorber les pertes massives imposées aux génériques », soutient l’USPO.
La baisse des remises sera à l’origine de nombreuses défaillances de pharmacies
USPO
Menaces sur l’emploi
Dans un contexte économique déjà compliqué pour la pharmacie d’officine, entre fermetures, pénuries de médicaments et crainte d’un retour de l’inflation au vu des tensions actuelles au niveau international, cette annonce sur les remises génériques, si elle était attendue, ne peut que susciter de l’inquiétude pour le réseau. « Au risque d’accroître les difficultés, le gouvernement veut priver l’officine d’une ressource essentielle à son fonctionnement, tout en lui demandant d’assumer un nombre croissant de missions ! », dénonce la FSPF. « La baisse brutale et unilatérale du plafond de remises génériques menace la viabilité économique de nombreuses officines, en particulier dans les territoires ruraux et périurbains, déstabilise un mécanisme de maîtrise des dépenses pourtant historiquement efficace et soutenu par la profession. Elle engendrera aussi des pénuries sans précédent » abonde l’USPO. Selon des chiffres du réseau de cabinets d’experts-comptables CGP, (basés sur une moyenne de 170 000 euros d’achat de génériques par an et par pharmacie), « les médicaments génériques contribuent à la rentabilité d’une officine à hauteur de 85 000 euros, soit entre 40 et 45 % de l’EBE ».
Un récent sondage de l’USPO montrait également que 69 % des pharmaciens interrogés manqueraient de trésorerie si le plafond de remise des génériques passait sous la barre des 40 %, quand plus des deux tiers d’entre eux affirmaient également leur intention de baisser leur masse salariale si cette hypothèse devenait réalité. Pour plus d’un sondé sur deux, une baisse du plafond de remise sur les génériques pourrait même les conduire à céder ou à cesser leur activité dans les 5 ans à venir… « La baisse des remises inexorablement imposée par les génériqueurs pour compenser des baisses de prix sera à l’origine de nombreuses défaillances de pharmacies menant potentiellement à des licenciements au sein des équipes et à des non-renouvellements de postes », tient à souligner l’USPO.
À quel délai cette baisse sur les remises génériques va-t-elle être appliquée ?
Si ce coup de rabot sur les remises génériques semble inéluctable, le ministère a tout de même fait une concession. Prolonger provisoirement l’application du taux de 40 % sur les remises génériques, mesure introduite par un arrêté du 14 mai. « Est-ce que cela sera pour quelques jours, quelques semaines, quelques mois… Pour l’instant, nous ne le savons pas », précise Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. « Le ministère nous a laissés 10 jours pour lui adresser nos remarques par écrit. De nouvelles réunions seront ensuite programmées », complète-t-il.
Cette méthode est intolérable. Ce n’est pas aux professionnels de ville de régler la note des dérapages des indemnités journalières versées en cas d’arrêt de travail, ni l’envolée des dépenses hospitalières !
FSPF
Toujours est-il que la grogne, elle, commence déjà à monter. Le syndicat départemental de l’USPO des Bouches-du-Rhône a voté dès le 17 juin une « grève illimitée des gardes jusqu’à l’ouverture d’un avenant de redressement ». Un appel repris par la FSPF et l'USPO au niveau national. Les deux syndicats appellent les pharmaciens à se mobiliser le 1er juillet, au cours d’une journée qui verra d’autres professionnels de santé libéraux (médecins spécialistes, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes) se mobiliser, eux, pour dénoncer le report des revalorisations tarifaires dont ils auraient dû bénéficier début juillet. Une mesure qui partage un point commun avec la baisse à venir sur le plafond de remise des génériques. Toutes deux vont intervenir après la publication du nouvel avis du comité de suivi de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui a alerté sur un risque sérieux de dépassement de l'ONDAM (plus de 1,3 milliard d’euros), lequel s’explique par des « dépenses de soins de ville dynamiques, notamment dans le champ des médicaments et des indemnités journalières, ainsi qu'une activité constatée à l'hôpital au premier trimestre 2025 plus élevée que prévu ».
Si les représentants des pharmaciens partagent l’objectif de maîtrise de dépenses, ils s’opposent à la solution choisie par le ministère. « Cette méthode est intolérable. Ce n’est pas aux professionnels de ville de régler la note des dérapages des indemnités journalières versées en cas d’arrêt de travail, ni l’envolée des dépenses hospitalières ! », dénonce la FSPF. « Cette politique court-termiste met directement en danger le maillage officinal et l’accès aux soins de proximité, ajoute l’USPO. Elle impliquera forcément des difficultés croissantes d’accès aux soins, un stress supplémentaire pour les patients quant à l’obtention de leur traitement et un temps humain décuplé pour chaque pharmacie qui essayera de trouver ces médicaments. » Opposés sur le fond, les syndicats critiquent aussi avec virulence la méthode employée par le ministère. Plus précisément, l’absence totale de « concertation » avant d’en arriver à cette décision sur le plafond des remises génériques.
Un bas de fer engagé
L’USPO se dit notamment prête à « mobiliser l’ensemble des pharmaciens pour que le gouvernement prenne pleinement conscience du danger que représente l’application de telles mesures pour l’avenir du maillage officinal » et lui demande d’ouvrir « sans délai une négociation en vue d’un avenant 2 », requête déjà exprimée depuis plusieurs mois par le syndicat. Ce dernier a déjà communiqué la liste des revendications qu’il soumettra au ministère : « le gel immédiat de la baisse du plafond de remises génériques. L’ouverture rapide d’une négociation structurelle sur l’ensemble des leviers d’économies disponibles. La publication sans délai des textes autorisant la substitution des biosimilaires, génériques, dispositif médicaux et hybrides éligibles. La mise en place de mesures d’évaluation de la pertinence sur les prescriptions onéreuses ».
Pour l’organisation dirigée par Pierre-Olivier Variot, il faut en effet privilégier d’autres leviers pour atteindre l’objectif d’économies fixé à l’assurance-maladie. L’USPO dénonce notamment « une explosion incontrôlée des prescriptions coûteuses » et n’oublie pas non plus de rappeler, et de regretter, le retard pris pour déployer les médicaments biosimilaires en France. Une lenteur que le syndicat attribue à « des retards administratifs, à la pression des industriels pour prolonger leurs brevets de façon artificielle et aux prescripteurs, qui ne se privent pas d’ajouter “non substituable” ». Pour illustrer ce retard pris sur les biosimilaires, l’USPO mentionne par exemple les cas de Roactemra (tocilizumab) et de Stelara (ustékinumab) : deux anticorps monoclonaux dont les brevets ont expiré, mais pour lesquels la substitution n’est toujours pas possible « malgré leur poids financier élevé ».
Difficultés d’approvisionnement
Le timide retour des stylos Anapen
Prix du médicament
Sanofi envisage le déremboursement de Praluent
Ministère de la Santé
Déserts médicaux : êtes-vous dans l’une des 151 zones rouges ?
Campagne d’immunisation VRS 2025-2026
Abrysvo et Beyfortus : les commandes sont ouvertes