Une coopération réussie entre ville et hôpital est vécue comme un événement. Ce n’est donc pas un hasard si la présentation des résultats de l’expérimentation PARTAGE a pris la forme d’un événement sur une demi-journée au CHU d’Angers, comptant une vingtaine d’intervenants et deux tables rondes. À l’origine de ce succès : le groupement hospitalier territorial du Maine-et-Loire (GHT 49) et en particulier Laurence Spiesser-Robelet, pharmacienne au CHU d’Angers et membre du conseil d’administration de la Société française de pharmacie clinique (SFPC). L’idée ? Coordonner la prise en charge médicale des personnes âgées polymédiquées hospitalisées grâce à la pharmacie clinique mise en œuvre à la fois à l’hôpital et en ville. Et avec un outil adapté sur-mesure aux besoins des pharmaciens : le logiciel HospiVille développé par MaPUI Labs.
« Quand un patient âgé polymédiqué est hospitalisé dans l’un des établissements de santé du GHT 49, le pharmacien hospitalier réalise une conciliation médicamenteuse à l’entrée. Pour cela, il prend contact avec le pharmacien d’officine qui lui transmet, via HospiVille, les prescriptions du patient. Au cours du séjour, il veille à l’optimisation thérapeutique du patient. À la sortie, il recense l’ensemble des modifications intervenues sur le traitement et leurs justifications qu’il transmet au pharmacien d’officine par HospiVille, ainsi qu’au médecin traitant via le compte rendu de sortie. Cela permet au pharmacien d’officine de les expliquer au patient, il peut donner des conseils de sortie d’hospitalisation et ensuite mettre en place un bilan partagé de médication (BPM) avec des entretiens au cours de l’année pour faire le suivi », résume Laurence Spiesser-Robelet.
Redonner du sens
Après une année de mise en œuvre, l’expérimentation a pris place dans 8 des 10 établissements de santé du GHT 49, avec la participation de 207 des 234 officines du département (88 %). « Aucune pharmacie n’a refusé de participer. Les 27 manquantes n’ont simplement pas reçu de patient concerné par l’expérimentation », précise Jean-Louis Laffilhe, pharmacien coordinateur du projet et ex-titulaire. Une enquête menée au premier semestre 2022 auprès de 103 officines participantes montre leur satisfaction, en particulier parce qu’elles estiment que l’expérimentation renforce le lien ville-hôpital (94 %), facilite la sortie d’hospitalisation (84 %) et améliore l’information au patient (94 %). 25 % d’entre elles ont réalisé un BPM dans le cadre de PARTAGE.
Autres acteurs essentiels de l’expérimentation, les étudiants en pharmacie ont été intégrés dès le début. Une évidence pour Laurence Spiesser-Robelet, également maître de conférences à l’université d’Angers où elle enseigne… la pharmacie clinique et l’éducation thérapeutique. « Il y a une implication très importante de nos étudiants en pharmacie, de nos internes, ainsi que des étudiants de 5e année qui font leur stage hospitalier et réalisent la conciliation médicamenteuse sous la supervision des pharmaciens, et qui basculent pour certains en 6e année officine et continuent le dispositif en ville. » Ce que confirme Frédéric Lagarce, à la tête de la PUI du CHU d’Angers et directeur de la faculté de pharmacie, qui fait part de témoignages très positifs des étudiants de 6e année. « Comme les nouvelles missions, ce projet redonne du sens au métier de pharmacien. C’est important parce qu’on a des problèmes d’attractivité aujourd’hui et ça permet de montrer l’apport de la pharmacie clinique en France sur la prise en charge du patient. »
Forte participation
Au total, près de 3 700 patients ont été inclus entre le 1er mars 2021 et le 10 septembre dernier. Désormais, les inclusions mensuelles tournent entre 350 et 400 patients et les officines prennent en charge entre un et 59 patients de l’expérimentation (18 en moyenne). Outre une forte participation des professionnels concernés, Laurence Spiesser-Robelet pointe surtout ce que le travail des pharmaciens a permis de déceler. Ainsi, sur les 1 853 patients inclus par le service gériatrie du CHU d’Angers, la conciliation médicamenteuse d’entrée a pointé au moins une « divergence non intentionnelle (DNI), c’est-à-dire une erreur médicamenteuse » dans plus de 53 % des cas, avec une moyenne de 2,1 DNI par patient. Quant aux 1 698 conciliations de sortie effectuées, elles ont révélé au moins une DNI dans 37,2 % des cas (1,5 DNI par patient en moyenne). Il s’agit principalement de l’oubli du traitement ou d’une erreur de posologie.
Bien qu’il soit encore nécessaire de produire et d'analyser d’autres indicateurs de performance, la pharmacienne hospitalière ne cache pas son ambition pour PARTAGE : « Pérenniser le dispositif et l’étendre à davantage de patients, à davantage de services hospitaliers, à d’autres établissements de santé, à d’autres départements, à de nouveaux partenariats. » Un souhait exprimé également par Cécile Jaglin-Grimonprez, directrice générale du CHU d’Angers : « Il faut pouvoir passer à une généralisation et à une pérennisation. Nous avons encore un an d’expérimentation pour en démontrer l’intérêt. »
Convaincre les médecins
Tous les partenaires du projet semblent déjà convaincus, de l’assurance-maladie à l’agence régionale de santé (ARS) en passant par l’Ordre des pharmaciens, l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens et la faculté de pharmacie. « Il faut maintenant convaincre l’ensemble de la communauté médicale. J’attends qu’un chef de service me dise un jour qu’il n’a pas de conciliation médicamenteuse dans son service et que ça ne peut plus durer », note pour sa part Alain Mercat, président de la commission médicale du GHT 49 et chef du service médecine intensive, réanimation et médecine hyperbare du CHU d’Angers. Un positionnement dont se rapproche déjà Antoine Brangier, praticien au service gériatrie du CHU d’Angers. « Quand le pharmacien intervient, il y a toujours une conséquence pragmatique et presque instantanée sur la prise en charge du patient. La conciliation d’entrée, comme de sortie, permet de diminuer le risque de morbidité. Sur le plan médical, ça appelle à l’humilité et ça donne envie d’augmenter les collaborations avec les pharmaciens. On ne voudrait pas revenir en arrière, on ne pourrait plus se passer de la pharmacie clinique. »
* D’après l’événement « Suivi médicamenteux du patient et lien ville-hôpital, retour sur l’expérimentation PARTAGE GHT 49 en Maine-et-Loire », qui s’est tenu le 22 septembre dernier au CHU d’Angers.
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