Cas de comptoir
Le contexte : M. J. 56 ans, sous Imeth à raison de 25 mg par semaine. « J’ai un mal de tête épouvantable. Je prenais de l’aspirine quand j’étais jeune, pouvez-vous m’en donner une boîte ? »
Votre réponse : « L’aspirine peut théoriquement augmenter la toxicité de votre méthotrexate. Commençons déjà par soulager votre mal de tête avec du paracétamol. »
Définitions
- Aura : trouble neurologique transitoire entièrement réversible qui peut être visuel, sensitif, moteur ou concernant le langage et/ou la parole.
- Céphalée : douleur située centrée sur la région crânienne.
- Céphalée de tension : mal de tête principalement provoqué par la tension psychique (stress par exemple).
- Migraine : affection caractérisée par la survenue d'accès répétés de maux de tête pulsatiles d'intensité variable, unilatéraux, accompagnée parfois d'un malaise général, de nausées et de vomissements. La migraine est une maladie neurologique due à l’excitabilité anormale des cellules nerveuses.
Physiopathologie
Les céphalées se caractérisent par l’installation d’une douleur continue, modérée et diffuse, non pulsatile, avec une sensation de pression bilatérale sur toute la tête. Impression de tête vide ou de tête lourde, c’est selon les patients qui se plaignent aussi d’une difficulté de concentration. Ces maux de tête ne s’aggravent pas à l’effort mais en cas de stress. Une contracture au niveau des muscles du cou est également observée.
La céphalée de tension survient plutôt en fin de journée. Les causes sont nombreuses et diverses : stress, fatigue, consommation d’alcool, de tabac, médicaments, hypertension artérielle non contrôlée, maladies infectieuses des voies aériennes supérieures (rhinite, sinusite, grippe, Covid…).
La migraine se distingue des céphalées par des symptômes caractéristiques. Les douleurs sont lancinantes, unilatérales et pulsatiles. Elles peuvent être accompagnées de nausées, de vomissements et même d’intolérance à la lumière, au bruit et aux odeurs. La migraine est fréquemment précédée de signes prémonitoires : fourmillements ou, plus rarement, faiblesse d’un côté ou vertiges. Presque un tiers des migraineux ont une migraine avec aura. 90 % des auras sont visuelles, se caractérisant par la perturbation de la vision : apparition d’un voile noir, d’éclairs, de scotomes scintillants (points ou taches brillantes) ou présence de trous. Les causes de migraines dépendent de la personne mais sont souvent liées au stress, aux troubles du sommeil, aux hormones (période prémenstruelle ou pendant les premiers jours de règles), à certains aliments (chocolat, café en excès), au jeûne et à des perturbations de l’environnement (météo, lumière, bruit, odeur…). Les mécanismes physiopathologiques de la migraine restent flous même si l’imagerie a récemment confirmé le rôle de l’hypothalamus comme générateur des crises migraineuses.
L’aura migraineuse serait provoquée par un dysfonctionnement transitoire du cortex qui entraînerait une baisse transitoire de l’activité des neurones, avec une légère diminution du débit sanguin cérébral, à l’origine des troubles neurologiques.
Enfin, la céphalée migraineuse est liée à la dilatation et l’inflammation des vaisseaux cérébraux, notamment ceux des méninges à la surface du cerveau. C’est l’activation anormale du système trigéminovasculaire, innervant les vaisseaux méningés, qui est à l’origine de cette dilatation et de la libération de CGRP, les neuropeptides « messagers de la douleur ». L’activation anormale des neurones dans le tronc cérébral et l’hypothalamus contribue également au déclenchement, à l’amplification et/ou à la persistance du message douloureux.
Chez les enfants, la migraine existe aussi : les crises sont plus brèves et la douleur est le plus souvent frontale ou bilatérale, pouvant s’accompagner de pâleur et de troubles digestifs.
Une amélioration de la migraine est souvent constatée à la fin du premier trimestre de grossesse. La cause ? La stabilisation des taux d’œstrogènes ayant une action protectrice sur les vaisseaux sanguins.
Enfin quelques chiffres à garder en tête : la migraine touche 15 % de la population mondiale et concerne 20 % des femmes, 10 % des hommes et 5 % des enfants.
La migraine touche aussi les enfants. Elle concerne 5 % d’entre eux.
Conduite à tenir
L’interrogatoire
Plusieurs questions sont à poser pour déterminer la conduite à tenir :
- Le mal de tête est-il apparu brutalement ou s’est-il installé progressivement ? Et depuis combien de temps ?
- La douleur est-elle localisée ou touche-t-elle toute la tête ?
- La douleur est-elle simplement gênante ou entrave-t-elle les activités ? Est-elle pulsatile ou constante ?
- Existe-t-il une cause de survenue connue ?
- Le mal de tête s’accompagne-t-il d’autres symptômes (nausées, vomissement, photophobie, engourdissement) ?
15 % de la population souffre de migraine
Éviter les déclencheurs
Maintenir une bonne hygiène de vie permet de diminuer la fréquence de survenue des céphalées et migraines : sommeil suffisant (8 à 10 heures par jour), alimentation équilibrée et variée en privilégiant les aliments pauvres en graisses et en sucres, bonne hydratation, réduction du stress, activité physique régulière (30 à 60 minutes/jour presque tous les jours).
Les facteurs déclenchants doivent être repérés et pour certains évités : excès d’alcool, de tabac, certains médicaments, certains aliments (excès de sucre, de graisses saturées, de chocolat, de fromage à pâte ferme, choux, viandes transformées, nourriture chinoise riche en glutamate), l’hypoglycémie, les changements climatiques.
Si les migraines sont liées aux règles, orienter la patiente chez le médecin pour éventuellement mettre en place un traitement hormonal.
En cas de récurrence, il est utile de réaliser un agenda des crises permettant d’évaluer le nombre de crises et leur intensité, les circonstances déclenchantes, les jours et horaires de survenue, leur durée, l’efficacité du traitement, et de dépister une surconsommation médicamenteuse.
Soulager une crise douloureuse
Pour soulager la douleur, il est conseillé de s’allonger, voire de dormir, dans une pièce calme et sombre.
Une compresse ou une poche réutilisable froide peut être appliquée sur la nuque.
La prise de bain chaud calme également la migraine.
Les méthodes de relaxation ou l’utilisation de technique de biofeedback, fondée sur le contrôle des émotions et des pensées, permettent aussi de diminuer la récurrence des crises douloureuses.
Chez l’enfant, le traitement à privilégier est le sommeil dans un environnement calme et sombre.
Les massages relaxants sont aussi bénéfiques. Il faut également penser à nourrir le nourrisson ou l’enfant douloureux.
Direction le médecin
En cas de signes de méningite (forte fièvre, photophobie, vomissements), d’accident vasculaire cérébral et de traumatisme crânien où la céphalée est brutale et d’intensité forte, le patient doit être conduit aux urgences.
Une hypertension artérielle mal contrôlée ainsi que la survenue d’un glaucome aigu ou chronique, avec un traitement mal équilibré, sont des critères de consultation médicale.
Enfin, en cas d’abus de médicaments dans le cadre d’une céphalée chronique quotidienne, le patient sera également orienté chez le patient.
Penser aussi à l’intoxication au monoxyde de carbone responsable de maux de tête nocturnes associé à des vertiges et des troubles de la vue.
Les produits du conseil
Les antalgiques
En cas de crise légère à modérée, les antalgiques de palier 1 doivent être administrés le plus tôt possible, dès les premiers signes.
Le paracétamol est conseillé à la dose de 3 à 4 grammes par jour avec des prises de 1 gramme espacées de 6 heures pour les personnes de plus de 50 kg.
Les AINS recommandés dans la migraine sont le kétoprofène, le naproxène et l’ibuprofène, ce dernier étant disponible sans ordonnance. À partir de 30 kg, la posologie de l’ibuprofène est de 1 comprimé de 400 mg par prise, à renouveler si besoin au bout de 6 heures, sans dépasser 3 comprimés en 24 heures (1 200 mg par jour). Attention, les AINS sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque grave, d’antécédent d’hémorragie digestive au cours d’un précédent traitement par AINS, d’hémorragie en cours ou d’ulcère gastroduodénal. L’ibuprofène sera préférentiellement pris au cours d’un repas ou d’une collation pour éviter une irritation gastrique.
Enfin, l’aspirine peut aussi être conseillée chez l'adulte pour une posologie de 1 000 mg toutes les 8 heures (soit 3 g par jour maximum).
Chez l’enfant de plus de 6 mois, le traitement de la migraine de première intention est l’ibuprofène. La posologie est de 20 à 30 mg/kg/jour en 3 à 4 prises sans dépasser 30 mg/kg/jour. Le paracétamol peut aussi être donné, à raison de 60 mg/kg/jour, à répartir en 4 prises, soit environ 15 mg/kg toutes les 6 heures ou 10 mg/kg toutes les 4 heures.
Chez la femme enceinte souffrant de migraine, le paracétamol est le seul antalgique pouvant être utilisé. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens recommandés dans le traitement de la crise de migraine comme l’ibuprofène sont contre-indiqués, même en prise ponctuelle, à partir du cinquième mois de grossesse, quelles que soient la dose et la voie d'administration.
En cas de crise légère à modérée, les antalgiques de palier 1 doivent être administrés le plus tôt possible, dès les premiers signes
En complément
Du côté des plantes, la reine des prés (Filipendula ulmaria) et la grande camomille (Tanacetum parthenium) sont traditionnellement utilisées chez l’adulte pour calmer les céphalées grâce à leurs actifs anti-inflammatoires et vasoconstricteurs. Elles ne sont pas conseillées en cas de grossesse, d’allaitement et d’allergie aux salicylés (reine des prés) ou d’allergie aux plantes de la famille des Composées (grande camomille).
Les huiles essentielles de menthe poivrée (action analgésique locale par effet de froid) et de lavande fine (effets relaxant et antalgique) peuvent aussi être proposées, notamment diluées pour une application locale (sur les tempes par exemple) en massage.
Les céphalées chroniques quotidiennes
Il s’agit de céphalées survenant plus de 15 jours par mois et plus de 4 heures par jour en l’absence de traitement, depuis plus de 3 mois. La céphalée initialement épisodique (migraine ou céphalée de tension) évolue vers une céphalée chronique, sous l'influence notamment d’un abus médicamenteux (antalgiques simples ou triptans, pris plusieurs jours par semaine) et de facteurs psychopathologiques.
La prise en charge comporte un sevrage en cas d’abus médicamenteux et l’éducation du patient concernant sa pathologie.
Afin de prévenir ce risque, il est recommandé de réaliser un calendrier des crises.
Testez-vous
1. La migraine :
a) Touche les adultes uniquement ;
b) Peut diminuer au cours de la grossesse ;
c) Touche les femmes majoritairement ;
d) Peut induire des vomissements.
2. Les causes de migraine sont :
a) L’excès d’alcool ;
b) Le manque de sommeil ;
c) L’excès de chocolat ;
d) Le stress.
3. Les mesures de prévention sont :
a) Un temps de sommeil suffisant ;
b) L’éviction des légumes verts ;
c) Une activité physique régulière ;
d) La réduction du sucre.
4. Chez l’enfant :
a) La migraine se traite uniquement par du paracétamol ;
b) L’ibuprofène est le traitement de première intention ;
c) Le traitement repose sur un temps de sommeil suffisant ;
d) La migraine peut s’accompagner de troubles digestifs.
Réponses : 1. b) et d) ; - 2. a), b), c) et d) ; 3. a), c) et d) ; 4. b), c) et d).
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